Michel-Maxime Legault et Étienne Lepage : Enfantillages
Scène

Michel-Maxime Legault et Étienne Lepage : Enfantillages

C’est l’année d’Étienne Lepage. Après Rouge Gueule, voici Kick, une autre collection de fragments vifs et décapants, cette fois présentée par le Théâtre de la Marée Haute dans une mise en scène de Michel-Maxime Legault. Entrevue avec deux jeunes hommes en ébullition.

Les deux pièces, Kick et Rouge Gueule, ont été écrites du même souffle, avec le même désir de faire s’exprimer sans filtre une galerie de personnages aux contours plus ou moins définis. "J’avais encore des trucs à explorer dans cette structure dramatique-là, dit Étienne Lepage. Dans Rouge Gueule, tout était de l’ordre de la perversion ou de l’immoralité. Kick est plus ludique; l’accumulation de fragments y sert plutôt à créer un univers, comme un portrait contrasté et multiple."

Michel-Maxime Legault, qui met en scène pour la première fois un texte québécois, ajoute que la pièce est fascinante parce qu’indescriptible et irréductible. "Je suis content de pouvoir dire cette fois qu’on ne parle de rien en particulier. Ce n’est pas un texte sur la violence urbaine, comme Rhapsodie-béton que j’ai monté il y a quelques années, ou sur le licenciement des cadres supérieurs dans les grandes entreprises, comme Top Dogs. Le texte d’Étienne ne se réduit pas à une phrase synthèse, et pour moi, c’est d’une grande humanité."

Tout de même, l’auteur, qui parle très bien de son écriture et n’est pas de ceux qui peinent à nommer l’objet de leur travail, dira que "Kick adopte une énergie d’ado. Ce sont des personnages habités de sentiments très puérils mais très vrais, à la fois drôles et touchants, et je pense qu’on est traversés de ces sentiments-là pendant toute notre vie. Certaines scènes montrent des personnages très frustrés, d’autres, en train de savourer une vengeance ou de se livrer aux pires stupidités, et ainsi de suite".

La pièce est peut-être moins violente que Rouge Gueule, mais tout aussi chargée. Chez Lepage, pas question d’expliquer les comportements de ses personnages ou de les situer dans un contexte social précis. "Je veux créer quelque chose de vivant, une matière offerte aux réflexions personnelles du spectateur. Je n’ai pas envie d’écrire du théâtre pour donner une explication du monde, et si je le faisais, je serais incapable de le faire sans me cantonner dans ma seule et unique vision, ce qui serait sentencieux et prétentieux."

L’écriture de Lepage, en plus d’être rythmée et musicale, est donc volontairement trouée. Pour combler les vides, Legault a pris le pari du mouvement et travaillé avec la chorégraphe Caroline Laurin-Beaucage. "On crée avec le mouvement une sorte d’imaginaire visuel. Le geste prolonge le texte, mais il est aussi un langage à part entière qui entre en dialogue avec les mots pour former un propos global. Ce sont des phrases gestuelles simples, d’abord très réalistes, qu’on s’amuse à déconstruire."

"Le rapport entre le mouvement et le texte est très libre, dit Lepage. C’est aussi une manière de mettre les acteurs en danger pour qu’ils ne tombent pas dans leurs réflexes psychologisants. Ils ne peuvent pas trop penser quand ils sont occupés à faire un geste ou à songer au rythme de leur parole. Quand ils arrêtent de s’intéresser au sens des mots pour s’attarder aux sonorités, paradoxalement, quelque chose de vrai en émerge. Michel-Maxime a bien compris ça."