Boa Goa : Route tracée
Scène

Boa Goa : Route tracée

Dans Boa Goa, Paula de Vasconcelos se détourne du théâtre au profit de la danse sans parvenir à s’en affranchir suffisamment pour que l’oeuvre décolle. Un bel essai qu’il reste à transformer.

D’abord metteure en scène mais aussi chorégraphe, Paula de Vasconcelos est une femme de coeur dont l’humanisme teinte toutes les créations. Or, les grandes idées et les bons sentiments sont des armes à double tranchant quand on les met en scène et il faut éviter le piège d’une vision candide ou trop idéalisée, sous peine de perdre le public, voire de le raser. La cofondatrice de Pigeons International n’y échappe pas totalement dans Boa Goa où elle investit plus totalement que jamais le territoire de la danse.

Il faut dire que l’idée de départ est de témoigner de la façon dont la société portugaise s’est émancipée à partir des grandes découvertes des navigateurs du 15e siècle en profitant de la richesse du métissage culturel plutôt qu’en adoptant la position classique du colonisateur. L’oeuvre porte d’ailleurs très clairement ce message: à leur retour des Indes, les marins ont troqué leurs longs manteaux de laine sombre contre des chemises colorées et leur gestuelle s’est teintée d’éléments de danse traditionnelle indienne.

La trame musicale d’Owen Belton a également pris au passage des accents orientaux. Impossible de ne pas saisir ce que l’on veut nous dire. Et c’est là le défaut majeur de cette pièce: on y prend le spectateur par la main du début à la fin sans laisser de place au mystère ni, finalement, à une expression pleine et libre de l’émancipation culturelle au coeur du propos. Comme si la chorégraphe avait douté du pouvoir évocateur de la danse.

Tout est cordé, calculé et elle ressent le besoin d’ajouter des légendes à ses images pour s’assurer qu’on les comprenne bien. Elle a beau se défendre en entrevue de raconter une histoire, les titres de chapitres qui s’affichent en fond de scène entre chaque section en marquent les étapes. Cela dit, l’affichage de courts dialogues entre des personnages silencieux est du meilleur effet et ce n’est, heureusement, pas le seul élément positif du spectacle.

Les danseurs, tous de bon calibre, exécutent une gestuelle qui, sans être novatrice, s’enrichit, se diversifie, et traduit bien certaines émotions. Et si la composition est parfois redondante, elle exploite judicieusement une scénographie qui évoque tantôt un bateau, la mer, la rue, une église ou un temple. Une oeuvre encore verte qui ne demande qu’à mûrir.