Matthew Fournier : Petit meurtre entre amis
Préparez-vous à être plongé dans les abîmes où se croisent et s’embrouillent réalité et fiction avec Bang?!, selon une idée originale du comédien et vidéaste Matthew Fournier.
Il arrive parfois, dans une vie de comédien, qu’on expérimente cet état étrange où la réalité correspond un peu trop à la fiction… ou le contraire. Matthew Fournier en sait quelque chose, alors que l’idée à l’origine de la pièce Bang?! est inspirée d’un tragique événement qui lui est arrivé il y a deux ans, alors qu’il tournait un court métrage. "Notre projet parlait d’un homme qui allait se suicider, mais il lui arrivait un accident et il réalisait alors l’importance de la vie. On avait beaucoup de difficulté à terminer le tournage… Et le soir où on devait tourner une des scènes finales, il y a une personne dans mon entourage qui s’est enlevé la vie… On n’a jamais fini le court métrage", raconte-t-il. Des croisements étranges qui ont fait germer en lui cette idée de brouillage de la frontière qui sépare le réel de la fiction.
Cette première création des Productions Point d’interrogation plonge tête première dans le vertige de la mise en abîme. La réalité: quatre comédiens, Fournier et son ami de longue date Martin Perreault, ainsi que Jean-Pierre Cloutier et Marie-Hélène Gendreau, décident de monter une création collective, en travaillant à partir d’impros filmées. La fiction: quatre amis – dont un couple de comédiens – décident de créer collectivement un… court métrage. "On voulait vraiment explorer la mise en abîme, explique Fournier, et plus on travaillait, plus on se disait: "On est vraiment en train de faire le show qu’on écrit!""
Pierre angulaire de l’histoire, l’accident qui vient brouiller les niveaux de fiction: alors que le groupe filme la scène finale, un fusil pointé sur le comédien est inexplicablement chargé, et ce dernier meurt. Que s’est-il passé? La scène a été filmée, doit-on l’utiliser? En jouant avec la temporalité, on fait découvrir petit à petit au public les éléments de l’intrigue, en naviguant entre "l’avant" court métrage, "l’après" et le "pendant".
DANS MA CAMERA
Au coeur du projet, l’exploration du langage cinématographique au théâtre. "Dès le début, on a voulu faire très attention de ne pas faire du cinéma au théâtre. C’est plutôt une recherche qui veut amener le langage du cinéma au théâtre; par exemple, comment y appliquer la notion de champ-contrechamp", explique l’acteur, qui est aussi photographe et vidéaste. Du court métrage, on verra autant des extraits filmés projetés que des scènes jouées sur scène.
Malgré ses airs de suspense, Fournier avertit que la pièce n’est pas un polar. L’intérêt se situe au-delà: "C’est un peu comme quand une personne s’enlève la vie; on cherche des réponses mais à un moment, on réalise qu’on n’en aura jamais. On a donc préféré insister sur ce que vivent les personnages dans cette situation." Le comédien décrit d’ailleurs la pièce comme très réaliste, alors que certains de ses aspects peuvent évoquer la téléréalité. La mise en scène, collective, a bénéficié du regard extérieur de Michel Nadeau.
Et maintenant, la question qui tue… Avez-vous peur qu’il y ait mort d’homme? "On y a pensé, répond-il sérieusement. On s’est même demandé ce qu’on ferait vraiment si ça arrivait "pour vrai"! On était rendus loin… Mais bon, ça devrait bien aller!"