L’homme est un animal comme les autres. Après le krach boursier de 1929, confinés à la pauvreté, les personnages d’On achève bien les chevaux, une coproduction du Théâtre Niveau Parking et du Théâtre Les Enfants Terribles, retrouvent la bête qui sommeille en eux. Le marathon de danse auquel ils participent dans l’espoir de gagner la mirobolante somme de 1500 $ les enfonce dans un incontrôlable manège où domine la loi du plus fort et où on les épuise comme du bétail.

Sous le regard amusé de la foule et l’oeil rusé du maître de jeu Ludger Drouin (Jean-Michel Déry), le marathon dessine l’émouvant portrait d’une humanité fragilisée par l’exploitation et la tyrannie de l’argent. Entre solidarité, espoir, compétition et instinct de survie, les marathoniens luttent contre l’animal en eux, évitant de justesse qu’il ne les submerge.

Marie-Josée Bastien maîtrise une écriture efficace, rythmée, remplie d’humour, et sait créer des situations dramatiques irréprochables, où les personnages se confrontent autant qu’ils s’attendrissent les uns les autres. Elle réussit le pari de mettre en jeu des situations schématiques et des personnages très typés sans trop les réduire à la caricature, installant doucement un certains nombre de nuances sans perdre la saveur et la spontanéité de sa plume.

Toutefois, son adaptation est surtout fonctionnelle et s’occupe de transposer l’action des États-Unis vers le Québec, transformant les références hollywoodiennes en traits distinctifs de la ruralité québécoise ou de la petite bourgeoisie de la ville de Québec. Travail colossal, certes, mais qui ne fait qu’opérer un déplacement de l’action et ne revisite pas profondément l’oeuvre. Bien sûr, plutôt que de pencher sa loupe sur la relation sinueuse du couple central interprété par Hugues Frenette et Erika Gagnon, Bastien oriente son regard vers le collectif, ce qui donne à son travail une dimension plus politique. Mais elle le fait de manière bien discrète, avec une panoplie de bons sentiments. Rien pour provoquer l’ébranlement ou l’indignation.

Sa mise en scène, simple mais rythmée par le travail du chorégraphe Harold Rhéaume, fait valser les corps et s’enchaîner les répliques avec aplomb, mais ne déborde jamais, rendant l’expérience un peu redondante. La scénographie épurée de Christian Fontaine, elle, a invité la metteure en scène à une utilisation intelligente de deux paliers de jeu.