Philippe Soldevila : À la vie comme au cirque
Scène

Philippe Soldevila : À la vie comme au cirque

Philippe Soldevila a eu un coup de coeur pour À la défense des moustiques albinos. Il l’a choisie parmi une vingtaine de pièces catalanes pour la traduire, puis la mettre en scène.

À l’occasion de la première édition de Dramaturgies de dialogue, Philippe Soldevila a décidé de traduire À la défense des moustiques albinos de Mercè Sarrias. Il s’est également empressé de demander les droits, dans l’idée de la mettre en scène. "J’ai vraiment aimé le ton, l’humour, la structure, la manière dont c’est écrit et j’ai beaucoup ri", commente-t-il. Il a notamment apprécié le fait que des sujets souvent abordés dans un registre dramatique y soient traités de manière aussi comique que lucide.

"La pièce met en scène plusieurs mésadaptés, dont une mère qui a de la difficulté à gérer son quotidien entre sa fille qui grandit, son ex, son travail, poursuit-il. Quelqu’un qui tente de concilier ses valeurs et la frénésie de sa vie. Et ça se reflète sur tous les personnages. C’est-à-dire qu’il y est question du décalage qui finit par exister entre ce que les gens pensent profondément, la culture dont ils ont hérité et celle dans laquelle ils sont plongés."

Sans être catégorique à ce propos, il croit y reconnaître quelque chose comme un humour espagnol ou un petit vent de folie à la Almodóvar. Toujours est-il que, comme pour Le Magicien prodigieux, il a cherché à créer un spectacle le plus rassembleur possible. "Je veux que mon directeur de thèse soit aussi enthousiasmé que ma belle-mère, lance-t-il. J’ai besoin que le party pogne. Ce n’est pas possible pour tous les types de pièces, mais dans ce genre-là, c’est cette fête théâtrale, cette communion que j’ai envie de provoquer."

Aussi, le fait que le texte se divise en quelque 70 segments présentait non seulement de gros défis, mais également de belles possibilités. "Ça ouvrait la porte à tout un langage scénique, dans le sens où je pouvais transformer les scènes, les déplacer, en rajouter pour essayer d’aller encore plus loin dans le morcellement", illustre-t-il. Car si la structure exprime déjà l’éclatement de la vie des protagonistes, la mise en scène l’accentue encore davantage.

"J’ai amené la notion de performance obligée des personnages, c’est-à-dire que je les enferme, comme s’ils étaient dans un cirque quotidien, moderne, dont ils n’ont pas le droit de sortir, explique-t-il. Le musicien live [Pascal Robitaille] devient par moments un maître de piste un peu cruel qui les oblige à jouer les scènes, à garder un rythme, à se commettre." L’humour vient d’ailleurs en partie de la musique et du mouvement (avec la collaboration de la chorégraphe Geneviève Dorion-Coupal).

Quant aux moustiques albinos, ils sont un peu comme "la petite pastille d’Alka Seltzer qui déclenche tout", amenant ainsi la remise en question "de bien des choses par rapport à nos projets sociaux, urbains, économiques, qui ne mettent pas nécessairement l’être humain à l’avant-plan", conclut-il. Et il semblerait que ce ne soit que le début de l’aventure, puisque Mercè Sarrias et lui prévoient également écrire une pièce ensemble.