Richard Desjardins : Coeur de lion
Richard Desjardins revêt les habits de Gauthier sans Avoir, qui déverse le désarroi de toute une vie ruinée sur le lit de mort d’Aliénor d’Aquitaine. Entretien avec Richard, le conteur courtois.
L’auteur-compositeur-interprète Richard Desjardins résidait temporairement à Toulouse en 2000 lorsqu’il visita l’abbaye de Fontevraud et le tombeau d’Aliénor d’Aquitaine. Celui qui, "par simple fantaisie", travaillait alors l’alexandrin à temps perdu y trouve la muse pour créer une chanson de geste qu’il interprétera sur scène à l’issue de son périple.
Fasciné par cette femme toute-puissante du Moyen Âge qui a divorcé du roi de France pour épouser le futur roi d’Angleterre 60 jours plus tard, qui a mis une dizaine d’enfants au monde et les a presque tous enterrés, il commence à lire tout ce qu’il peut trouver sur la dame, dont les frasques conjugales seraient à l’origine de la guerre de Cent Ans. Il imagine alors l’histoire de Gauthier sans Avoir, un paysan qui a tout perdu sous le régime d’Aliénor et qui a soif de vengeance. "J’ai écrit ça pour m’amuser et ça a pris les allures d’une pièce, d’un monologue." Après l’avoir joué à Toulouse, il se produit à quelques reprises au Québec et voit ses 80 couplets publiés sous forme de livre aux éditions Lux.
"J’ai toujours été fasciné par cette époque où la société était ostracisée, terrifiée par l’enfer. Aucune rémission n’était possible si on péchait. Ils n’avaient pas encore inventé les saints pour intercéder auprès du bon Dieu! C’était horrible psychologiquement. Les corps des individus appartenaient au roi et leur âme relevait du bon désir de l’Église. Cette époque s’inscrit comme un creux où la société humaine a été le plus misérable, vulnérable. Parmi ces gens, il y avait ce personnage rock’n’roll…" énonce-t-il en faisant référence à sa muse.
Visiblement emballé, le poète et musicien poursuit: "On dit aussi d’Aliénor qu’elle serait à la source des troubadours. Son grand-père, son père et elle favorisaient l’expression de la poésie, de la chanson courtoise. C’est comme si c’était à cette époque que le sentiment amoureux avait été noté pour la première fois dans l’histoire."
Injustement accusé par son seigneur d’avoir empoisonné l’eau du puits, Gauthier sans Avoir sera traduit en justice. "On le force à l’ordalie, qui consistait à tenir une barre de fer rougie à chaud. Les accusés qui criaient étaient trouvés coupables. Je suis passé par là, moi!" insiste l’auteur, qui s’est beaucoup investi dans le personnage. Faute d’avoir pu croiser son sillage auparavant, le pauvre homme arrivera finalement à confronter Aliénor sur son lit de mort, à l’abbaye de Fontevraud, le 31 mars 1204… "C’est là que je lui parle dans le casque", illustre Richard Desjardins, qui se rendra à cette même abbaye mythique en avril prochain pour y interpréter son monologue.
En première partie d’Aliénor d’Aquitaine, Richard Desjardins a choisi la slameuse émérite de l’Outaouais Marjolaine Beauchamp pour mettre la table. "L’an dernier, j’ai lu Aliénor d’Aquitaine pour le compte du Dépanneur Sylvestre – une organisation à laquelle je suis très attaché et contribue chaque année. Marjolaine Beauchamp avait fait un slam pour me présenter et j’ai été sidéré. Ça m’a bouleversé. J’ai commencé à m’intéresser à ses travaux… et je la trouve absolument fabuleuse. Je suis très honoré qu’elle fasse ma première partie." Marjolaine assurera aussi le premier acte du concert annuel pour le Dépanneur Sylvestre, qui aura lieu le 16 mars à la salle Jean-Despréz. Richard Desjardins y interprétera ses nouvelles chansons.