Chantal Caron : L’envolée
Partie de sa terre nourricière de Saint-Jean-Port-Joli, Chantal Caron se pose à Québec, le temps de nous présenter La Noce. Rituels amoureux.
C’est une belle avancée pour la chorégraphe Chantal Caron, qui a créé la compagnie Fleuve – Espace danse en 2006, dans le but de diffuser ses oeuvres. Bien que la femme originaire du Bas-du-Fleuve soit loin d’être nouvelle dans le milieu, alors qu’elle a fondé sa propre école à Saint-Jean-Port-Joli en 1986, elle présentera pour une première fois une création de groupe en studio à Québec. Privilégiant les grands espaces qui s’étendent sous ses yeux – de sa maison juchée sur un cap, elle peut contempler la puissance du fleuve et sentir son énergie -, elle a déjà offert à la population de son coin de pays plusieurs créations in situ sur les rives du Saint-Laurent, de même qu’à Québec, à l’occasion des fêtes du 400e.
Ce défi du studio, elle le relève avec enthousiasme, tout en constatant la grande différence entre les deux types d’environnement: "Être dans une boîte noire du matin au soir, c’est un monde à part! Ça m’amène à ramasser mon propos, à le peaufiner, car à l’intérieur, les regards sont braqués seulement sur toi; tu n’as pas la nature qui t’accompagne."
MOUVEMENTS MIGRATOIRES
La créatrice aurait difficilement pu passer à côté du ballet qui anime chaque année les berges du fleuve: le rituel passage des oies blanches, qui lui a servi d’inspiration pour sa pièce La Noce. D’abord créée à l’été 2008 dans son patelin, la pièce pour quatre danseurs prend aujourd’hui son envol à Québec, après trois semaines de résidence à La Rotonde. "La proposition initiale était plutôt lente, méditative. Là, c’est vraiment le contraire: ça bouge du début à la fin, c’est très vivant comme tableau", explique-t-elle.
Inspirée par les bipèdes ailés, la chorégraphe a donc créé une gestuelle particulière, "très exigeante pour les danseurs", mi-humaine, mi-oiseau. La scénographie lumineuse, épurée et parfois symbolique de Luc Archambault sculpte l’espace tout en laissant la place au mouvement.
Au coeur de son propos, cette idée de noce, de communion entre deux êtres. Chantal Caron dit d’ailleurs avoir toujours été fascinée par les mariages. "Dès que j’entends les cloches de l’église sonner, je m’empresse d’aller voir qui se marie!" confie celle qui a fait le grand saut après 30 ans de vie commune, l’automne dernier. Cependant, avertit-elle, la noce se comprend plutôt au sens métaphorique que figuré dans sa pièce, qu’elle a co-créée avec son assistante, Maude Drolet.
Ainsi, la pièce s’attarde plutôt à poser un regard sur les relations entre les êtres. "Tantôt, des duos se font plus agressifs ou fougueux, comme un couple, humain ou animal, peut l’être, tantôt plus sensuels, romantiques. Avec Maude, on a aussi beaucoup discuté de l’importance d’apprendre à s’aimer soi-même, de s’épouser soi-même. D’où les danseurs qui vont travailler avec le regard qu’on porte sur soi-même, à l’aide d’un miroir, par exemple." Ce regard, il reflétera l’hétérosexualité, mais aussi l’homosexualité. "C’était important pour nous de dire qu’aujourd’hui, il n’y a pas juste une sorte de couple qui existe."