C'est ainsi mon amour que j'appris ma blessure : Mécanisme de défense
Scène

C’est ainsi mon amour que j’appris ma blessure : Mécanisme de défense

Denis Lavalou s’approprie avec conviction C’est ainsi mon amour que j’appris ma blessure, un vertigineux monologue de Fabrice Melquiot.

En psychanalyse et en psychologie, la projection est considérée comme un mécanisme de défense. C’est sûrement cette idée qui a servi de point de départ au Français Fabrice Melquiot pour l’écriture de C’est ainsi mon amour que j’appris ma blessure. Le quasi-solo est une introspection, le monologue intérieur à la fois lyrique et maladroit d’un homme en deuil d’amour et d’amitié. Mise en scène par Denis Lavalou et Marie-Josée Gauthier, la production du Théâtre Complice épouse brillamment la richesse de cet objet littéraire hypnotique, chambre d’échos et de dédoublements.

Au départ, il y a un homme (Denis Lavalou) et une femme (Victoria Diamond). Ils sont dans un aéroport. Elle attend un avion. Lui, c’est plus compliqué. Amoché, en manque de sommeil, dans un état limite, il l’observe, se met à lui parler, en pensée, à projeter sur elle des intentions, d’abord bonnes, puis mauvaises. Il commence par la trouver splendide, l’idéalise, puis se met peu à peu à assombrir le portrait, ira même jusqu’à la traiter de salope.

On finira par comprendre que notre homme projette sur cette inconnue le visage d’une femme qu’il a aimée, qu’il ressasse une vieille histoire, fouille une plaie encore vive. On finira aussi par comprendre que la solitude et des amours difficultueuses ont fait de lui un sans-abri, un individu qui erre dans la ville et dont la santé mentale est pour le moins fragile. Autrement dit un passionnant personnage de théâtre.

De la partition à saveur koltésienne, véritable vortex de répétitions et de récurrences, Denis Lavalou s’empare avec brio. Sont au rendez-vous toutes les nuances et ruptures de ton qui s’imposent. Malgré la beauté de la langue et la rigueur de l’interprétation, il reste que le monologue est généreux – certains diront verbeux. La représentation demande donc une certaine concentration.

Cela dit, pour ravir les yeux quand l’esprit s’égare, il y a les projections de Frédéric Saint-Hilaire, partie prenante de la scénographie de Cédric Lord. La vidéo, adroitement supportée par l’environnement sonore d’Éric Forget, campe l’action dans un fantasme d’aéroport. Elle joue habilement des réflexions et des superpositions, pour ne pas dire des apparitions, achève de faire de la représentation un objet de mystère et de fascination.