Rodrigo Pederneiras : Ton sur ton
Grâce à Danse Danse, la troupe brésilienne Grupo Corpo, qui célèbre ses 35 ans d’existence, nous visite avec Parabelo et Breu, deux univers aux antipodes. Entretien avec Rodrigo Pederneiras, chorégraphe et cofondateur de la compagnie.
Joint par un matin ensoleillé de l’autre côté du globe, au Brésil, le chorégraphe Rodrigo Pederneiras scrute avec bonheur son futur immédiat, alors que sa compagnie, Grupo Corpo, s’apprête à quitter les terres du Sud pour le Québec, le Canada et l’Europe. Au programme pour le Québec, un doublé opposé, voire oxymorique qui réunit la tropicale, colorée, sensuelle et tout en rondeur Parabelo (1997), et la force brute et noire de Breu (prononcer "breo"), créée en 2007.
La première est inspirée de l’existence dans la région du même nom, au nord-ouest du Brésil, un endroit où les conditions de vie seraient difficiles. "Les gens sont très pauvres, mais l’art qu’ils créent est incroyablement joyeux et coloré, avec beaucoup de lumière, et ça c’est incroyable, c’est presque un paradoxe!"
À l’opposé, Breu, qui signifie littéralement "goudron" en portugais et "obscurité" au sens figuré, évoque la violence, au moyen d’un travail de déplacements percutants au sol et grâce à des costumes et à des éclairages tranchants, noirs et blancs, qui évoquent la froideur de la ville et de l’individualisme. Une pièce "plus noire, plus dure, qui évoque la lourdeur", où les danseurs se jettent au sol et les uns contre les autres.
Si le chorégraphe a cofondé Grupo Corpo en 1975 avec son frère Paulo Pederneiras, l’identité de la compagnie ne renvoie à aucun individu en particulier, mais, comme son nom l’indique, au travail de groupe. Éclairages, costumes, scénographie, musique, chorégraphies: les différents collaborateurs créent tout à partir d’une idée directrice, ce tout fait la force de la troupe la plus importante du Brésil qui, dès ses débuts, a été un fier porte-étendard de la culture brésilienne.
Mais l’artiste dit être maintenant passé à autre chose. "Au début des années 80, c’était très important pour moi de représenter le peuple brésilien, sa manière de bouger. Mais aujourd’hui, ce n’est plus une préoccupation." Breu, qualifié par plusieurs de rupture dans le travail du chorégraphe, montre bien cette évolution, même si ce dernier hésite à employer ce mot très "fort". "On travaille à partir des choses qu’on vit, qu’on voit. J’ai donc voulu aborder la violence, car on la voit beaucoup ici… Mais pour le futur, je ne sais pas ce qui m’inspirera!"