Belles-Soeurs : À pleins poumons
Scène

Belles-Soeurs : À pleins poumons

La relecture des Belles-Soeurs de Michel Tremblay par René Richard Cyr et Daniel Bélanger est un ravissement total, une grande réussite.

Il est des spectacles qui appellent les superlatifs, des oeuvres un peu magiques qui commentent le réel tout en le transcendant, qui élèvent l’âme. Elles sont rares mais elles existent, surgissent, pas toujours là où on les attendait d’ailleurs. Soyons honnête, on ne savait pas trop quoi espérer de l’entreprise de René Richard Cyr et Daniel Bélanger: faire des Belles-Soeurs de Michel Tremblay une comédie musicale. On peut maintenant respirer librement: la production est emballante, d’un charme dévastateur.

On a beau vouloir mesurer ses propos, doser ses éloges, restreindre ses emportements… rien n’y fait! Devant un objet aussi exceptionnellement abouti, on ne peut s’empêcher de crier au génie. La représentation offre un parfait équilibre de rire et de larmes, allie brillamment le propos et la musique, restitue la grandeur et la décadence d’une époque, donne accès aux âmes drôles et furieuses d’une galerie de femmes que l’on croyait pourtant connaître. Heureux ceux et celles qui vont découvrir nos mythiques belles-soeurs dans cette mouture!

Sous la houlette de Cyr et Bélanger, les 15 femmes sont d’une troublante humanité, pour ainsi dire libérées des caricatures qu’elles ont maintes fois dû revêtir depuis leur naissance en 1968. Chantées, harmonisées, supportées ou court-circuitées par le choeur, les confidences de Germaine, Rose, Pierrette et les autres sont plus émouvantes que jamais.

Grâce aux musiques de Bélanger, toujours sensibles, adéquates sans être prévisibles, l’essence des protagonistes se révèle, leur drame nous atteint en plein coeur, leurs apartés bouleversent. Les mères, les filles et les vieilles filles s’adressent à nous sans censure, dévoilent leurs souffrances et leurs aspirations les plus profondes, leur petitesse d’esprit et leur grandeur d’âme. Dans leurs voix et leurs corps, leurs silences et leurs cris, se cristallise la tragédie d’une société qui confinait ses femmes à la misère financière, intellectuelle et affective.

Toute la distribution est à la hauteur du défi, mais il faut dire l’aplomb de Marie-Thérèse Fortin, Guylaine Tremblay et Maude Guérin, saisissantes têtes de proue, ainsi que de Kathleen Fortin, Dominique Quesnel, Hélène Major et Marie-Evelyne Baribeau. Aussi beau que nécessaire, ce spectacle est destiné à une longue vie. Le contraire serait inadmissible, injuste.