El 12 : Donner du temps au temps
Variation sur le thème du temps, El 12 renouvelle le genre flamenco. Malgré certaines maladresses, la pièce laisse présager une montée en puissance dans les prochaines créations de La Otra Orilla.
Pour la quatrième pièce au répertoire de leur compagnie, la chorégraphe-interprète Myriam Allard et le chanteur-metteur en scène Hedi "El Moro" Graja ont mis la barre haut: elle poursuit l’actualisation de la gestuelle du flamenco, il en fait éclater le cadre de représentation, spatialisant les musiciens différemment tout au long du spectacle et allant jusqu’à intégrer l’outil multimédia. Le tout avec un certain savoir-faire, mais avec des maladresses et des retenues qui finissent par peser sur l’ensemble de l’oeuvre.
Aussi précise que fougueuse, Allard est fascinante. Jouant sur les ruptures de rythme, les ralentis et les arrêts sur image, elle déconstruit avec inventivité la gestuelle flamenca pour la rendre plus abstraite ou plus (voire trop) illustrative. Elle la dépouille de sa teneur émotionnelle, mais son visage la trahit: le sourcil se fronce, créant une distorsion entre les langages corporel et facial. De même, certains costumes nuisent à l’expression de l’essence flamenca qu’elle entend dégager.
L’intégration de la vidéo est efficace, comblant harmonieusement les temps de transition entre deux tableaux et ajoutant une dimension poétique largement soutenue par la musique. La mise en scène des musiciens réserve quelques jolies trouvailles, mais elle requiert une présence physique et une aisance dans les déplacements que Graja ne possède pas encore. Et si la structure en tableaux successifs garantit une bonne diversité, le spectacle s’alourdit dans une longueur à mi-parcours et ne parvient pas à retrouver son souffle de départ. Un bel essai à travailler.