Eskal Théâtre : Sortir du système
Scène

Eskal Théâtre : Sortir du système

Après une douzaine d’années d’absence, Eskal Théâtre revient à Trois-Rivières, sa ville d’origine, pour présenter Exit (vivre pour chercher), une comédie dramatique sur la bureaucratie. Entretien avec son fondateur, Sylvain Girard.

Le mot fonctionnaire s’accompagne rarement de qualificatifs heureux. C’est que la fonction publique s’enfarge souvent dans les fleurs du tapis, s’entortille dans une bureaucratie qui frôle parfois l’absurde. Avec Exit (vivre pour chercher), Sylvain Girard se défoule et clame haut et fort ce qui se dit sur le système dans les conversations de salon.

"Ça faisait des années que je me promettais de m’en payer une avec le fonctionnariat en général – je trouve d’ailleurs que c’est d’actualité en ce moment, avec toutes ces histoires de fonctionnaires qui se font entre autres payer des thérapies et les employés de la santé qui font des heures supplémentaires. Je cherchais un moyen de critiquer, non pas monsieur ou madame qui travaille comme fonctionnaire, mais le système des fonctionnaires en général. Parce qu’individuellement, les fonctionnaires, ce sont tous de bons citoyens. C’est drôle à dire, mais c’est en regardant Ciné-cadeau, en revoyant pour la énième fois Les Douze Travaux d’Astérix et la scène de la maison qui rend fou, que j’ai eu l’inspiration. Et, le lendemain, je me suis chicané avec un fonctionnaire. Là, je me suis dit: "Non, il faut que ça sorte!" Alors j’y suis allé dans tous les clichés possibles et les belles phrases qu’on peut entendre comme "Votre appel est important pour nous"."

C’est par l’intermédiaire des personnages de Charle (pas de s) et Luci (pas de e), deux citoyens ordinaires, que l’auteur dépeint cet univers impossible. "Charle [Richard Ducharme] et Luci [Marie Joëlle Guidon] ne sont pas bien dans le système tout simplement et cherchent à s’en sortir, raconte-t-il. Mais quand on sort du réseau, qu’on essaie d’être hors de la marge, ce n’est pas évident. Ils rencontrent évidemment beaucoup de fonctionnaires qui ne leur facilitent pas vraiment la chose." Le duo trouve ainsi sur son chemin une kyrielle de personnages étranges. "Il y a un clash entre Charle et Luci, qui ressemblent à monsieur et madame Tout-le-Monde, et les personnages qu’ils rencontrent. Il y a une folle, une profiteuse, plusieurs fonctionnaires… Ce sont des personnages qui sont joués un peu plus gros. Quand on les regarde, on a l’impression qu’ils sont parodiés, mais ils cachent une symbolique, en fait. Par exemple, la folle représente ceux qui ont craqué dans le système; la profiteuse, ceux qui ont appris à utiliser le système au maximum."

Par ailleurs, il n’y a pas que les personnages qui cachent une symbolique. La pièce au grand complet propose plus d’un niveau de lecture. "On peut voir ça bien basic et c’est correct aussi. Mais il y a un deuxième et un troisième degré: le système, ce n’est pas juste un building. C’est tout un univers. Et bien qu’on veuille sortir du système, on en fait tous un peu partie", conclut celui qui s’inspire d’Ionesco.