Jean-Philippe Joubert : Le choc des titans
Scène

Jean-Philippe Joubert : Le choc des titans

Jean-Philippe Joubert a accepté l’audacieuse mission de mettre en scène Charbonneau et le Chef, quelque 40 ans après sa création au Trident. Entre réalité, mythe et théâtre.

Jean-Philippe Joubert ne chôme pas ces temps-ci. À peine a-t-il terminé la mise en scène de L’École des femmes qu’il achève maintenant celle de Charbonneau et le Chef de John Thomas McDonough, traduit et adapté par Paul Hébert et Pierre Morency. Conscient de ne pouvoir rivaliser avec la création de cette oeuvre, événement mythique ayant marqué la première saison du Trident en 1971, il s’est donné pour objectif d’offrir un regard neuf sur cette pièce. "Ça n’aura jamais le même impact. C’était la révolution d’une époque, une révélation énorme, observe-t-il. Là, on traite le texte de la façon la plus contemporaine possible, ce qui viendra accompagner, compléter, contredire, bousculer la vision, le souvenir que les gens en ont."

Inspirée d’événements réels, la pièce raconte l’affrontement entre Mgr Charbonneau et le premier ministre Duplessis autour de la grève de l’amiante, en 1949. "Elle porte sur les jeux de pouvoir et la répression très dure, très disgracieuse de ce mouvement de protestation", poursuit-il. Avec son équipe, il a donc fait des recherches pour en apprendre davantage à ce propos, en regardant des entrevues et en visitant une mine, notamment. N’empêche, dès le début, il a voulu trouver le moyen de dépasser l’anecdote historique. De sorte que leur travail a pris la forme d’un constant "aller-retour entre réalisme et liberté pour concevoir une oeuvre artistique".

De même, il n’a pas demandé aux comédiens d’imiter les personnes dont ils interprètent le rôle, mais plutôt de construire des personnages théâtraux. "L’idée était aussi de dire, à ce stade-là, ils ne sont plus que Duplessis ou Charbonneau, ils sont les représentants d’un certain pouvoir politique, ecclésiastique, économique, syndical", note-t-il. En fait, le texte lui-même vise moins la justesse des détails – il comporte d’ailleurs quelques inexactitudes – que celle des mécanismes, des puissances à l’oeuvre. "L’important est de prendre ce conflit et d’en faire une bonne histoire", ajoute-t-il.

En ce qui a trait à leur proposition, il précise: "Nous avons choisi une approche très sensitive. Sur scène, il y a 17 comédiens, quatre bancs, et c’est le groupe d’acteurs en mouvement qui sculpte l’espace. Ce dénuement et le fait que le choeur est toujours là, pour subir ou représenter les tensions des scènes, pour refléter l’action dramatique, s’avèrent déterminants." Peut-être est-ce justement grâce à l’intensité de cette présence, à la force du nombre, des corps, des déplacements que, même s’il s’agit d’une pièce de gars, d’un sujet politique, l’ensemble parvient à toucher. "Une réelle émotion se dégage et je ne sais pas pourquoi, confie-t-il. Il y a encore beaucoup de mystère pour moi dans ce spectacle. J’aime bien quand je ne comprends pas tout, mais que ce que je vois fonctionne profondément. À mon sens, c’est un signe de qualité."