Wen Wei Wang : Premiers émois
Signé Wen Wei Wang, Cock-Pit traite de l’éveil de la sexualité de jeunes mâles pensionnaires. Un quintette d’une grande beauté formelle et visuelle.
Ceux qui ont déjà vu son travail savent que le Sino-Canadien Wen Wei Wang s’inspire de sa vie pour créer des oeuvres à l’esthétique très léchée et empreintes de sensualité. Dans Unbound, il empruntait à l’opéra chinois les chaussures simulant les pieds bandés, symbole de l’asservissement sexuel des femmes. Dans Cock-Pit, il détourne un autre élément de sa culture d’origine, la plume de paon, pour traiter de l’éveil de la sexualité chez les garçons.
"Je suis rentré au pensionnat à 13 ans pour étudier la danse et je n’avais que mes quatre compagnons de chambre pour tenter de comprendre les changements qui se produisaient dans mon corps, commente le chorégraphe. Nous n’avions ni parents ni cours d’éducation sexuelle pour nous expliquer quoi que ce soit. L’idée d’utiliser des plumes me vient de l’opéra chinois, où l’on s’en sert comme coiffures pour transformer les guerriers en bêtes. Or, quand je regarde ma jeunesse, je nous vois comme des petits animaux, des poulets qui couraient partout sans trop savoir ce qu’ils faisaient."
Sur scène, quatre danseurs expriment leur sexualité naissante à travers des jeux qui les mènent dans un univers de fantaisie où ils deviennent animaux et où rôde une danseuse, image de la femme inaccessible et interdite. Sous Mao, rappelle Wang, les amitiés particulières entre garçons et filles étaient interdites avant l’âge de 18 ans et il n’était pas question de lorgner vers le dortoir des filles, ce qui stimulait d’autant plus l’imagination. Symbole du désir, d’une sexualité vécue dans la distance et aussi de la gêne et de la retenue que cela peut induire chez les individus, la plume dirige le mouvement et tente même parfois de le contrôler.
"La pièce est pleine d’humour et ne raconte pas mon histoire, précise le Vancouvérois. Je partage juste un sentiment que vivent beaucoup de jeunes. Et j’animalise les danseurs parce que les animaux sont toujours innocents. C’est la pureté de la vie, et la pièce s’intitule Cock-Pit parce que »cock » se traduit par »coq » ou »pénis » et que »pit » est le lieu où sont parqués les poulets. Certains pourraient être choqués par le jeu de mots, mais l’image est d’autant plus appropriée, selon moi, qu’en Chine, nous n’avions pas assez d’espace." Un manque de liberté de corps et d’esprit dont Wang s’est affranchi, pour notre plus grand bonheur.