Marc Beaupré : Viva voce
Scène

Marc Beaupré : Viva voce

À mi-chemin entre la séance de djing, l’orchestration vocale et la narration chorale, Caligula Remix permet à Marc Beaupré de revisiter en profondeur la pièce d’Albert Camus. Aperçu des répétitions.

Le comédien Marc Beaupré, à sa deuxième mise en scène avec la compagnie Terre des Hommes, n’a pas peur des grands textes. Après Le Silence de la mer, de Vercors, il s’est naturellement tourné vers Caligula, oeuvre camusienne qu’il porte en lui depuis l’adolescence, la relisant et la réexaminant sans relâche. Beaupré aime se frotter aux grandes pensées, ne rechigne pas à la complexité et, qui plus est, il aime intellectualiser sa propre démarche artistique. Pour le jeune critique invité à le suivre dans sa nouvelle aventure, c’est le bonheur.

Il connaît le texte comme le fond de sa poche, ce qui lui permet de prendre de grandes libertés, de ne pas se laisser intimider par la bête et de la mener jusqu’à ses contemporains sans laisser la poussière s’y incruster. Cette oeuvre, il la remue pour nous en livrer une version toute personnelle, nourrie de plusieurs années de fréquentation et de réflexions qu’il voulait transmettre sur scène d’une manière ou d’une autre. La démarche de Beaupré est historiciste, présentant la fable du point de vue du lecteur d’aujourd’hui, ne dissimulant pas le bagage de références de ce lecteur et son regard distancié sur l’époque romaine.

Son Caligula, interprété par Emmanuel Schwartz, porte un regard rétrospectif sur sa propre histoire, qu’il s’amuse à faire rejouer par les choristes-narrateurs-bruiteurs qui l’accompagnent. Obéissants et dévoués comme l’étaient les Romains face à sa tyrannie, les choristes recréent les ambiances et les lieux, redisent les paroles maintes fois entendues, deviennent soudain les personnages chéris ou abhorrés par l’empereur. Décontenancés par la logique absurde que Caligula pousse jusqu’à son extrême limite dans sa quête d’impossible et d’absolu, ils se mettent pourtant à son service.

Autour d’une immense table de conférence, chacun des huit choristes parle au micro quand Caligula le lui demande, créant une matière sonore que le tyrannique empereur soumet, de sa console, à des répétitions, distorsions et transformations diverses. Ce travail sonore permet de faire circuler la parole de l’acteur jusqu’à un espace virtuel mouvant, espace narratif qui ne demande qu’à être réinvesti et réinterprété par le spectateur. Le jeu en est bousculé, l’acteur étant toujours en tension entre un état de disponibilité ou d’obéissance et l’incarnation de personnages en action. Une fascinante remise en question des conventions théâtrales, que vous pouvez suivre dans le détail sur mon blogue, Parathéâtre.