Sonate d'automne : De mère en fille
Scène

Sonate d’automne : De mère en fille

Marcel Pomerlo offre une lecture respectueuse mais sans éclat de la Sonate d’automne de Bergman.

La Sonate d’automne de Bergman nous est livrée sur un mode on ne peut plus réaliste, sans éclat, sans contrastes. La mise en scène de Marcel Pomerlo a même quelque chose de poussiéreux, de suranné. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la représentation suscite de nombreuses questions. Est-ce que ce théâtre que l’on dit "de chambre" est condamné à être joué de manière aussi statique, par des comédiens qui s’exécutent le plus souvent face au public, rivés à une chaise ou à un lit? Est-ce qu’on projette au mur le visage d’un enfant pour nous faire comprendre que l’image de ce dernier, mort noyé, hante sa mère éplorée? Est-ce qu’on inonde la représentation de piano parce que le personnage de la mère est pianiste?

Si Andrée Lachapelle et Marie-France Marcotte finissent par nous faire croire à la relation épouvantablement toxique qui unit la mère et la fille, on passe tout de même une bonne partie de la pièce à se demander pourquoi leurs répliques, qui devraient être assassines, insidieuses, percutantes, sont servies sur un ton emprunté, précieux, empesé. Cette interprétation, qui semble appartenir à une autre époque, nous empêche de communier pleinement au drame des personnages, désamorce la tension, freine le crescendo. Dans les rôles secondaires, Gabriel Arcand et Chantal Dumoulin s’en tirent mieux.

Tout de même, le spectacle de la Veillée n’empêche pas de goûter la finesse, l’intelligence et la sensibilité du règlement de comptes que Bergman a imaginé pour le cinéma en 1977. Charlotte, la mère, est glaciale, égoïste. Eva, la fille, est fragile, profondément blessée. Mais l’une et l’autre sont plus complexes encore. Pour entrer dans les méandres d’une âme torturée par le manque d’amour, Bergman n’avait pas son pareil. Traduite par C.G. Bjurström et Lucie Albertini, la partition rend palpable le caractère tragique du quotidien d’Eva, cette lancinante vie de tous les jours, ces longues heures hantées par les enfants repris et les caresses refusées. Faire entendre l’oeuvre, sans l’enflammer mais sans la dénaturer, c’est une qualité qu’il faut reconnaître à cette production.