Une partie avec l'Empereur : Échiquier politique
Scène

Une partie avec l’Empereur : Échiquier politique

Chez Duceppe, en coproduction avec le Théâtre Il va sans dire, Stéphane Brulotte met sagement en scène son nouveau texte, Une partie avec l’Empereur.

On pourrait dire de la nouvelle pièce de Stéphane Brulotte, très différente de son Fou de Dieu créé en 2008, que c’est une sorte de drame romantique édulcoré. Son héros, Christopher Stevenson, alias lieutenant Atwood (Gabriel Sabourin), un comédien engagé pour empoisonner Napoléon Bonaparte (Benoît Brière), est l’un de ces antihéros typiques dont la mission est trop grande pour ses moyens. Comme Ruy Blas échouant à faire régner la justice au royaume de Don Salluste, ou Lorenzaccio ne survivant pas à l’homicide de son tyran de cousin, Atwood ne réussit pas à éliminer le petit caporal. Dans un revirement de situation assez prévisible, il devient plutôt l’empoisonneur empoisonné, puis révèle ses fragilités devant une reconstitution théâtrale orchestrée par le tyran pour le faire flancher, un rappel inversé de la scène de La Souricière dans Hamlet.

Tous les ingrédients romantiques en sont: influences shakespeariennes, détour par l’Histoire pour dénoncer les abus de pouvoir d’aujourd’hui sans trop les souligner, mélange des genres (le drame est parsemé de jeux d’esprit et de blagues parfois puériles) et passion naissante mais impossible entre le pauvre Atwood, déjà marié, et la Comtesse Walewska (Lynda Johnson), partenaire attitrée du tyran. Brulotte maîtrise bien ses références théâtrales et propose une bonne histoire, mais tout cela manque un peu d’ampleur. N’arrive pas qui veut à la cheville d’Hugo ou de Musset. Là où toutefois le bât blesse véritablement, c’est lorsque l’auteur se complaît à faire parler son personnage au public, dans des apartés aux accents légèrement brechtiens qui ne servent qu’à répéter et commenter un peu bêtement l’action en cours.

En arrière-plan, la métaphore du jeu d’échecs auquel s’adonnent Napoléon et Atwood, bien que peu subtile, invite à porter un regard critique sur les jeux de pouvoir se tramant de part et d’autre et, bien sûr, à les mettre en relation avec la politique actuelle. Si Brulotte avait en tête George W. Bush et son incompréhensible guerre en Irak au moment de l’écriture, on pourrait tout aussi bien voir, dans la figure de ce Napoléon exilé cherchant à retrouver sa couronne au détriment du bien commun, l’avatar d’un Jean Charest ou d’un Nicolas Sarkozy déterminé à faire tourner le vent à droite malgré la féroce opposition collective. Et ainsi de suite…