Billy Twinkle, Requiem for a Golden Boy : Au mitan de la vie
Scène

Billy Twinkle, Requiem for a Golden Boy : Au mitan de la vie

Avec Billy Twinkle, Requiem for a Golden Boy, le marionnettiste canadien Ronnie Burkett livre un récit de vie aussi drôle que poignant.

Après Tinka’s New Dress, en 1997, et 10 Days on Earth, dix ans plus tard, le Canadien Ronnie Burkett offre ces jours-ci aux Montréalais un spectacle-bilan intitulé Billy Twinkle, Requiem for a Golden Boy. La pièce pour un être humain et une trentaine de marionnettes à fils est une extraordinaire fable sur la transmission, un voyage sensible et haut en couleur dans les souvenirs d’un marionnettiste canadien en pleine crise de mi-carrière. Vous avez dit autobiographique?

Sur un bateau de croisière, depuis des lustres, Billy Twinkle amuse les touristes avec son cabaret de marionnettes. Ses personnages, l’effeuilleuse burlesque, l’octogénaire libidineux, l’ours en patins à roulettes et la bourgeoise alcoolique, ont beaucoup de succès. Mais l’homme, qui a laissé dépérir en lui l’artiste, n’est pas heureux. Un jour, parce qu’il a ordonné à un touriste de se taire en cours de représentation, Billy est congédié. Désespéré, il songe à sauter par-dessus bord. Heureusement, c’est le moment que Sid Diamond, son mentor, son père spirituel, a choisi pour revenir d’entre les morts. Transformé en lapin, citant Shakespeare comme d’autres respirent, le spectre va raisonner Billy, le pousser à revivre, par le truchement de la marionnette, les moments-clés de son existence.

Le procédé, qui donne lieu à des tableaux aussi cocasses qu’émouvants, nous entraîne dans le roman initiatique d’un jeune homme fasciné par la marionnette, le jazz et les objets qui brillent. Il est question d’amitié, d’amour, de désir et de rencontres déterminantes, de la découverte de son homosexualité, mais plus encore de la profonde détermination d’un artiste en devenir. Au fil des scènes, dont plusieurs s’appuient sur une irrésistible mise en abyme (le marionnettiste manipule une marionnette qui manipule une marionnette), l’homme renoue avec ses idéaux de jeunesse.

Sur le pont de son navire, une scénographie en forme de coeur qui offre à la fois une scène, un castelet et deux grands escaliers, Ronnie Burkett est seul à manipuler toutes les figurines qu’il a confectionnées. Seul aussi pour leur donner une voix. On s’incline devant tant de maîtrise, tant de doigté. Mais surtout, on salue le talent d’un créateur qui a su faire de sa propre vie la matière d’un spectacle tout en transcendant l’anecdote, tout en s’écartant de la banale confession, tout en évitant la complaisance et le narcissisme. La quête de Billy Twinkle est inspirante, elle nous incite à rester toute notre vie en accord avec nos convictions, nous rappelle qu’il faut, pour rester bien vivant, transmettre à plus jeune que soi ce que la vie nous a appris.

Ce n’est absolument pas une raison pour se priver du grand bonheur de ce spectacle, mais il faut tout de même préciser en terminant que celui-ci est présenté en anglais, sans surtitres, et que plusieurs subtilités du texte, il faut le dire, substantiel, vont échapper à ceux et celles qui ne maîtrisent pas parfaitement la langue de Shakespeare.