Enquête sur le pire : Détresse ordinaire
Avec Enquête sur le pire, Fanny Britt et Geoffrey Gaquère livrent une réflexion assez banale sur le deuil amoureux, mais qui a le mérite de sonner juste.
D’emblée, il faut le dire, le deuxième spectacle du Théâtre Debout est inoffensif. Bien loin de la tragédie contemporaine qu’on nous annonçait. Rien de terrible ou de dangereux dans cette soi-disant Enquête sur le pire. Que les banals déboires sentimentaux d’une trentenaire privilégiée. Cette héroïne, Élisabeth, dite Bébé, que sa créatrice décrit comme un monstre, n’est rien d’autre que notre voisine angoissée. Heureusement, et c’est ce qui sauve la mise, Fanny Britt continue de traduire les amours de ses semblables avec justesse et sensibilité.
À vrai dire, toute l’oeuvre de Britt trouve sa source dans le drame d’aimer. Ici, une fois de plus, l’auteure dépeint les élans amoureux et destructeurs de quatre trentenaires, leur soif de communion mais aussi leur incapacité à vivre en couple sans s’abîmer. Malheureusement moins cinglante que Couche avec moi (c’est l’hiver), probablement plus près d’Hôtel Pacifique, cette nouvelle pièce n’est pas sans évoquer les premières oeuvres d’Evelyne de la Chenelière. Allergiques au romantisme, aux premiers émois et aux trahisons du coeur, vous aurez été prévenus!
Parce que Paul l’a quittée, mais surtout parce qu’elle est hypocondriaque et agoraphobe, Bébé, animatrice de télévision, est enfermée chez elle depuis des mois. Pour la distraire, la sortir de sa torpeur, il y a son agent. Pour la garder cloîtrée, il y a le fantôme de sa mère et les souvenirs de sa vie avec Paul. Si une certaine tension dramatique finit par s’introduire dans cette situation plutôt banale, c’est grâce à Ileana, une jeune Roumaine qui se lie d’amitié avec Bébé et devient son assistante. Sa présence viendra à la fois améliorer et envenimer la situation. On ne vous dira pas en quoi puisque c’est le seul véritable punch du spectacle.
Le metteur en scène Geoffrey Gaguère a choisi de livrer cette suite de courtes scènes, qui s’affranchissent très rarement du réalisme, d’une manière franchement théâtrale, notamment en lisant lui-même les didascalies et en gardant les comédiens sur scène du début à la fin de la représentation. Ce n’est pas très original, mais c’est efficace. À vrai dire, l’essentiel du spectacle tient au jeu impeccable des comédiens, une distribution particulièrement bien choisie.
L’impériale Johanne Haberlin nous fait croire à la détresse de Bébé, un personnage qui ne suscite pas spontanément l’empathie. Sans se réinventer, Steve Laplante incarne toute la maladresse de Paul, sa tendresse, mais aussi sa rage. Josée Deschênes est parfaite en mère obsessive, à la fois caricaturale et émouvante. Avec son sourire, sa désinvolture et son accent, chantant et surtout constant, Alexia Bürger illumine la scène. Dans le rôle de l’agent cynique, Christian Bégin est fort juste. Quand le personnage se porte à la défense de sa protégée, on retient son souffle, on espère que quelqu’un quelque part est prêt à veiller ainsi sur notre bien-être.