Larry Tremblay : Récits érotiques
La liaison entre Omnibus et Larry Tremblay se poursuit avec L’Amour à trois. Pour porter à la scène trois des rares textes de l’auteur sur le couple et la sexualité, on ne pouvait imaginer meilleure maison.
Il écrit tellement que, parfois, il oublie des textes dans le fond de ses tiroirs et les redécouvre, ébahi, quelques années plus tard. Tibullus, La Femme aux peupliers et Cornemuse font partie de ces pièces enfouies et retrouvées par Larry Tremblay. Et pas les moindres, car il y est question d’amour et de sexe: une rareté dans son oeuvre.
"Je dis souvent à mes étudiants de ne pas faire apparaître trop rapidement les mots "Je t’aime" dans leurs textes. Quand ces mots sont prononcés trop vite, il n’y a pas de théâtre. Dans La Femme aux peupliers, je me contredis et je fais exactement le contraire. Mais l’amour, au théâtre, ne peut pas être envisagé sans une troisième personne, ou un élément perturbateur. C’est pour ça que la pièce s’intitule L’Amour à trois. J’explore cette zone trouble dans les trois textes."
Il faudra voir comment les mises en scène (signées Francine Alepin, Caroline Binet et Marie-Ève Gagnon) nous feront entrer dans ces trois univers, car malgré le thème unificateur, ce sont là des textes fort différents. Dans Tibullus, on peine à reconnaître le style de Tremblay, tant il s’y est imposé de sortir de sa zone de confort. "C’est un texte à la structure très classique, que j’ai situé dans l’Empire romain. J’ai inventé une langue qui n’est pas du tout la mienne, bien plus littéraire que ce que j’écris d’habitude. Mais ça m’a permis de m’intéresser au rapport à la sexualité des Romains; ils avaient un discours social très affranchi et joyeux sur la sexualité."
De cette histoire de femme soupçonnant son amant de la tromper et cherchant réconfort auprès d’un oracle hermaphrodite "qui a augmenté sa jouissance en changeant de sexe", on passe au récit fantaisiste d’une femme transformant ses amoureux en arbres. Puis, dans Cornemuse, on reconnaît soudain le Larry Tremblay postmoderne, amoureux de la déconstruction et de l’ambiguïté, mais dont la plume s’est amusée à définir les contours d’une relation extrême, sportive et condensée, entre deux jeunes et beaux amoureux.
"Au fond, j’ai voulu, pour chacun de ces textes et sans trop le savoir, m’interroger sur la langue, pour continuer à évoluer comme écrivain. Les mots sont parfois lancés de façon performative, d’autres fois, on a l’impression d’être chez Sarraute ou Duras. Ça m’excitait de voir ces textes s’entrechoquer, de voir quelle expérience linguistique ça donnerait."