Myriam Allard et Hedi « El Moro » Graja : Marquer le temps
Scène

Myriam Allard et Hedi « El Moro » Graja : Marquer le temps

Myriam Allard et Hedi "El Moro" Graja creusent la veine du flamenco contemporain dans El 12, une oeuvre multidisciplinaire sur le thème du temps.

C’est en 12 temps que les structures rythmiques du flamenco se déploient, que les heures filent sur le cadran et que l’année s’égrène dans le calendrier. De cette analogie est née l’idée de créer El 12, une variation sur notre rapport au temps que nous présente en six tableaux la compagnie québécoise La Otra Orilla.

"On a choisi différents styles du flamenco pour exprimer diverses facettes du temps, explique la chorégraphe Myriam Allard qui danse ici en solo. La solea, par exemple, exprime le poids du temps, sa dimension inexorable. On parle aussi du temps que l’on subit, après lequel on court. On joue sur l’arrêt, la vitesse, le contrôle, la panique, l’humour… tout en essayant de rester dans une écriture formelle plutôt que d’aller dans l’émotivité propre au flamenco."

L’idée est de suggérer des émotions plutôt que de les induire, histoire de laisser plus de place à la subjectivité du spectateur. OEuvre moins expérimentale que MuE_s, présentée en 2008, El 12 n’en est pas moins éminemment contemporaine, s’écartant des codes du flamenco tant dans la danse que dans la musique et le traitement scénique. Le chanteur Hedi "El Moro" Graja, concepteur et metteur en scène de cette création, a en effet habillé l’oeuvre de vidéos réalisées par Geneviève Allard. Et plutôt que de laisser la musique guider la danse, il a commandé à Caroline Planté une composition à la manière d’une musique de film qu’elle interprète en direct à la guitare en compagnie de Kraig Adams et du percussionniste Éric Breton.

"Parmi les défis à relever, il a fallu faire en sorte que la musique et l’image viennent servir le propos sans supplanter la danse, et éviter la rigidité scénique de la ligne de musiciens assis en arrière et physiquement déconnectés de la danse, commente Graja. J’ai donc opté pour une amplification sans fil pour jouer sur des entrées et sorties de scène, sur des déplacements, des postures et des interactions avec la danse. Cette spatialisation des musiciens permet de varier les propositions visuelles et d’enrichir le propos."

En faisant le pari de la multidisciplinarité pour proposer une oeuvre aux ambiances contrastées, les deux complices de La Otra Orilla prennent le double risque de déplaire aux aficionados et de leur ouvrir de nouveaux horizons. Les amateurs de danse contemporaine s’en réjouissent déjà.