Miroku : Éveil des sens
Avant d’investir le Théâtre Maisonneuve à l’occasion du Festival TransAmériques, le danseur, chorégraphe et plasticien japonais Saburo Teshigawara a présenté son solo Miroku au Centre national des Arts à Ottawa. Nous y étions.
Carré blanc sur fond bleu. Vêtu de rouge et noir, Saburo Teshigawara évolue à l’intérieur d’une immense boîte, influencé par les variations subtiles et moins subtiles de son environnement sonore et visuel. La pièce évoque l’idée de l’harmonie comme la résolution perpétuelle de conflits émanant du dehors autant que du dedans. Car Miroku, c’est le nom du tout dernier des Bouddhas: celui qui, ayant vu l’harmonie régner sur ce bas monde, pourra mourir en paix, marquant ainsi le terme de l’implacable chaîne des réincarnations.
Ce qui fascine en premier lieu, c’est la mobilité extrême du danseur qui porte plutôt bien ses 57 printemps. Sa colonne et ses bras sont fluides comme des algues mues par d’invisibles courants. Avec une impressionnante minutie, il décompose le geste jusque dans ses plus petites articulations, jouant habilement avec le principe d’isolation, les ruptures de rythmes et différentes qualités de mouvement et de présence. Entre agitation frénétique, ralentis imposés et immobilité, la chorégraphie est à l’image de la vie et des fluctuations du mental.
Telle une brindille voguant au gré du fleuve intranquille de l’existence, Teshigawara est en résonnance totale avec une bande sonore qui tantôt nous sature l’ouïe, tantôt nous transporte dans un univers matriciel ou sidéral, et qui, usant à loisir de la répétition, contribue à brouiller les repères temporels et spatiaux. Créés par le chorégraphe, la scénographie et les éclairages sont plus clairement à l’origine de cet effet de distorsion du réel qui donne envie de s’incliner devant le talent d’établir un dialogue si intime entre la danse, la musique et les arts plastiques.
Car cette oeuvre globale est un objet d’art visuel tridimensionnel qui pose le corps comme une matière parmi d’autres. Et si parfois cette dernière semble prendre un peu trop de place, la façon dont elle se fond par moments dans le décor relève du sublime. C’est alors seulement que l’esthétique s’inscrit dans le champ plus vaste du sacré et que peut naître une émotion dans l’expérience du spectateur. Mais il faut être patient et se laisser imprégner par cette oeuvre qui, de prime abord, peut sembler froide et redondante. La connaissance préalable de la démarche du créateur et de ses intentions peut s’avérer utile.