Ginette Laurin : Du coeur au ventre
Ginette Laurin place ses huit danseurs sur écoute dans Onde de choc, une oeuvre coproduite par O Vertigo et le Festival TransAmériques, qui croise plusieurs champs d’exploration.
La nouvelle oeuvre de Ginette Laurin explore la dimension sonore du corps. En fond de scène, une immense caisse de résonance en guise de plancher fait retentir les sons produits par les mouvements des danseurs et traités en direct. Au-dessus, un espace visuel traduit en images les pulsations cardiaques des interprètes captées par des stéthoscopes avec micros sans fil. Onde de choc, c’est la façon dont certains dictionnaires médicaux parlent du pouls, et c’est autour de l’imagerie du coeur que s’articule la pièce.
"On prend plusieurs prétextes pour faire bouger les danseurs et on joue beaucoup sur l’extrême dans le battement cardiaque, commente la chorégraphe d’O Vertigo. Il y a donc des sections très physiques pour générer l’épuisement, mais aussi des moments où on joue plus sur le ressenti, la sensation, la vibration. Un coeur épuisé, ça bat vraiment fort, et au début, j’ai eu peur que ça sème la panique chez les danseurs. On a constaté qu’au contraire, c’est très apaisant. Ils retrouvent même un rythme cardiaque normal plus vite que d’habitude." Quoi de mieux qu’un battement de coeur pour évoquer à la fois la puissance et la fragilité de la vie? Il y a fort à parier qu’un tel procédé provoquera une puissante résonance dans le public, littéralement relié à l’oeuvre par un cordon ombilical sonore.
À l’instar de Passare, cette création s’appuie beaucoup sur la technologie. D’abord, par le traitement sonore de l’électroacousticien Martin Messier (ambiances aquatiques, atmosphères électriques, etc.) dont la création est agrémentée de transitions lyriques écrites par le compositeur britannique Michael Nyman. Ensuite, par la lumière qui joue un rôle primordial et que Martin Labrecque fait devenir image. "Les lumières réagissent aux sons captés par les micros et un nouveau système de console d’éclairages nous permet de dessiner de façon très subtile toutes sortes de courbes lumineuses, de vibrations, de scintillements ou de résonances normalement très compliquées à programmer, indique Laurin. C’est très intéressant parce que ça ajoute une couche à la richesse sonore."
Dans cette création, la chorégraphe croise la recherche conceptuelle des dernières années avec une approche plus caractéristique des oeuvres qu’elle a créées dans les années 90. La recréation de La Chambre blanche l’an dernier a amorcé ce mouvement, prolongé par la reprise de La Vie qui bat, autre oeuvre phare présentée cette année à Tokyo et Marseille et qu’on verra prochainement à Montréal. Onde de choc est aussi une façon de creuser plus avant le mystère de la face cachée du danseur que Laurin a commencé à scruter en 1997 avec En dedans, oeuvre qu’elle réadapte actuellement avec les finissants de cinq écoles professionnelles canadiennes. Les élèves de LADMMI – L’école de danse contemporaine en présenteront un extrait à Montréal à la fin mai. On verra l’intégrale de la version remaniée au prochain Festival Danse Canada à Ottawa. De quoi satisfaire les aficionados et les simples curieux.