Ivo Van Hove : L'intime et le politique
Scène

Ivo Van Hove : L’intime et le politique

Après les plus grandes scènes européennes, c’est au tour du Festival TransAmériques d’accueillir Ivo Van Hove et ses très attendues Tragédies romaines. Le metteur en scène donne Coriolan, Jules César et Antoine et Cléopâtre, de Shakespeare, dans une représentation ininterrompue de six heures.

L’affaire fait grand bruit, car depuis que le Festival d’Avignon a jeté sa lumière sur Ivo Van Hove, directeur du Toneelgroep Amsterdam, la compagnie s’est dévoilée au monde avec fracas. L’homme, pourtant, n’est pas un nouveau venu. À 52 ans, il a réalisé plus de 60 mises en scène, les dernières étant reconnues pour leur rigueur et leur contemporanéité.

Les Tragédies romaines, si elles montrent les mécanismes du pouvoir et les rouages de la communication politique à travers les médias de masse, proposent aussi une vision mondialisée du jeu politique. Dans une scénographie polyvalente évoquant un centre de congrès ou un plateau de télévision, les acteurs et les spectateurs se mêlent aux caméras et aux écrans branchés sur la planète.

"L’idée de la salle de conférences s’est vite imposée, raconte le metteur en scène, surtout parce que nous voulions, avec mon scénographe Jan Versweyveld, créer un environnement fonctionnel 24 heures sur 24, partant du constat que la politique actuelle, forcément mondialisée, se vit autant la nuit que le jour. Une salle dans laquelle les spectateurs sont libres de circuler et de vaquer à leurs occupations nous permettait d’offrir le spectacle sans interruption pour donner l’impression que la politique ne s’arrête jamais. Il fallait pour ce faire créer aussi des espaces plus relax, montrer que les politiciens s’activent même quand le peuple prend un verre au bar, par exemple."

On le voit bien, derrière les propos de Van Hove perce toujours un grand respect de la chose politique. Le cynisme n’est pas sa tasse de thé, et s’il se passionne pour les mécanismes du pouvoir, c’est d’abord parce qu’il croit les politiciens guidés par de nobles intentions. Sa position étonne et peut sembler à contre-courant, mais elle s’appuie sur une vision très humaniste des personnages shakespeariens. "Dans Jules César, même si Brutus commet un meurtre qui s’avérera une erreur tragique, il est guidé par son désir de créer une société meilleure. C’est pareil pour Coriolan. Je pense que Saddam Hussein, par exemple, a fait tout ce qu’il a fait parce qu’il croyait profondément que c’était ce qu’il y avait de mieux à faire pour son pays."

Les critiques européens ont applaudi l’idée de remplacer les scènes de guerre par des séquences sonores accompagnées de bandes défilantes et se sont passionnés pour la retransmission en direct d’images filmées sur scène. Ce sont autant de moyens de "montrer comment les politiciens utilisent les tribunes médiatiques pour communiquer efficacement leur message".

Puis, soudain, alors que débute la troisième partie, Antoine et Cléopâtre, le ton change et il se produit un fulgurant glissement du politique à l’intime. "Quand Antoine rencontre Cléopâtre et en devient follement amoureux, il veut quitter la politique pour passer le reste de sa vie au lit avec elle. Cet aspect-là est devenu très important pour moi, et le glissement du politique au privé, Antoine le vit de manière radicale. Je ne pouvais pas l’ignorer."