L'Apprentie : Forces de la nature
Scène

L’Apprentie : Forces de la nature

Dans L’Apprentie, une fable attendrissante, Nicola Cormier aborde l’état du monde par le truchement des croyances tsiganes.

Il faut le dire: L’Apprentie est un spectacle qui s’adresse d’abord et avant tout aux adolescents. Pacifiste, écologique, spirituelle et ethnographique, mais surtout pétrie d’incantations et de formules magiques, la fable de l’auteur et metteur en scène Nicola Cormier, directeur de la compagnie Terra Incognita, a toutes les chances de séduire les admirateurs de Harry Potter et Amos Daragon. L’héroïne, une enfant des routes dotée de pouvoirs surnaturels, est drôle et intelligente, courageuse et attachante. Sa détermination n’a d’égal que son désir de remettre en cause l’ordre établi. On ne doute pas un instant que le personnage saura susciter l’identification chez les jeunes spectateurs.

Sous nos yeux, bénéficiant de l’aide de Matéo, un maître sorcier, mais aussi des conseils de trois anciens apprentis malencontreusement transformés en statues pour cause d’excès d’intrépidité, la jeune Lionara apprend à apprivoiser la terre, l’eau, l’air et le feu. En communion avec les forces de la nature, elle va repousser, du moins pour un temps, le dragon, incarnation de tous les maux dont notre planète est affligée, de toutes les destructions qui s’abattent déjà sur nous ou qui menacent de le faire. On évoque ainsi la guerre, la violence et l’exclusion, les rapports tendus entre les tsiganes et les gadjés, mais aussi la pollution, les catastrophes écologiques et les dérèglements climatiques.

Pour donner du mystère au parcours initiatique de Lionara, on peut compter sur Maxime da Silva (décor et son), Véronique Poirier (statues) et Catherine Rouleau (éclairages). Avec ses arbres dotés de visages humains, ses lumières improbables et ses grondements inquiétants, la forêt est tour à tour intrigante et effrayante. Il est une scène, chorégraphiée avec précision, visuellement superbe, où l’apprentie arrive à percer les défenses de son mentor, à dépasser le maître. À ce moment-là, pour notre plus grand bonheur, tous les éléments du spectacle semblent converger.

Bien que l’intrigue soit un brin prévisible et que certaines répliques empruntent plus que nécessaire au jargon du nouvel âge, le texte de Cormier est équilibré et substantiel. Les légendes, les expressions et les symboles des tsiganes sont habilement rattachés aux motifs du genre fantastique. Qui plus est, les personnages ne manquent pas d’épaisseur. On croit sans peine à la relation d’abord houleuse puis affectueuse entre le maître, blessé, fourbu, et l’élève, fougueuse, pleine de promesses.

Il faut aussi dire que les comédiens défendent leur rôle avec beaucoup de conviction. Entre Denis Lavalou, particulièrement crédible dans les habits patinés du vieil homme un peu bourru, et Sounia Balha, en adolescente rayonnante et frondeuse à souhait, le courant passe, assurément.