Alvis Hermanis : Monde intérieur
Après le réjouissant The Sound of Silence présenté l’an dernier, Alvis Hermanis revient au Festival TransAmériques avec Sonia, un spectacle créé en 2006 et applaudi un peu partout dans le monde depuis.
Le directeur du Nouveau Théâtre de Riga (Lettonie) s’est inspiré d’une nouvelle de Tatiana Tolstaia, descendante de Léon Tolstoï et figure majeure de la littérature contemporaine russe. "C’est l’histoire, à la fois simple et très puissante, d’une femme trompée par ses soi-disant amis, lesquels lui envoient de fausses lettres d’amour durant des années. Naïve et aisément manipulable, elle fait de cet amour virtuel une réalité, le centre de sa vie."
Pour Alvis Hermanis, le spectacle repose sur le talent des comédiens: "Je fais partie de ceux qui pensent que les gens viennent au théâtre pour voir des acteurs." Une conviction que l’on retrouve au coeur de sa pratique puisque le Nouveau Théâtre de Riga est une véritable troupe, composée de 25 comédiens permanents qui travaillent en collectivité et où la créativité de chacun de ses membres peut s’exprimer librement.
Pour incarner Sonia, Hermanis a choisi un homme qu’il décrit comme particulièrement talentueux et dont la prestation a, de fait, été saluée par la critique internationale: Gundars Abolins. "Il n’y a pas de discours sur la transsexualité derrière ce choix, précise-t-il. Nous voulions simplement faire de cette femme, Sonia, une abstraction. Mais le jeu n’est absolument pas maniéré et on en vient vite à oublier que c’est un homme. On voit simplement un être humain, une âme." Il ajoute en plaisantant: "Sonia est décrite comme grosse, idiote et laide. Aucune actrice n’accepterait ce rôle!"
Dans ce spectacle, le metteur en scène mélange hardiment les genres: burlesque, pantomime, mélodrame, naturalisme et hyperréalisme. Comme à son habitude, il a apporté un soin maniaque au décor, reconstitution parfaite d’un appartement de Leningrad dans les années 40, au moyen d’objets d’époque. "Les objets sont très puissants car ils dégagent leur propre énergie, explique-t-il. Je pense que les espaces privés, où les gens passent la majorité de leur temps, sont plus représentatifs de leur vie réelle et de leur personnalité; ils racontent leur véritable histoire. En société, nous cachons notre vrai visage, nos vraies intentions. Le seul endroit où nous pouvons nous permettre d’être nous-mêmes, c’est à la maison."
Le Québec, c’est presque la maison pour le metteur en scène letton qui y est déjà venu quatre fois et qui apprécie ses visites: "Le public québécois est chaleureux et n’a pas peur de ses émotions, s’enthousiasme-t-il. Je peux comparer car je voyage beaucoup!" Attaché à sa langue – "Comme vous, au Québec" -, Hermanis tient à préciser que la pièce est présentée en russe (avec surtitres français et anglais), et non en letton, car l’un des deux comédiens, Jevgenijs Isajevs, est russe. Une exception qui permet de coller à la langue du texte d’origine.