Faustin Linyekula : Rage de vivre
Scène

Faustin Linyekula : Rage de vivre

Débarqués de la République démocratique du Congo, les danseurs et musiciens de Faustin Linyekula réclament le droit aux lendemains qui chantent dans More, More, More… Future. Un concert chorégraphique fort en décibels et en teneur politique.

À 19 ans, Faustin Linyekula quitte la République démocratique du Congo où il est né pour aller fonder la première compagnie de danse contemporaine du Kenya. De là, il sillonne le monde en solo et multiplie les expériences avant de revenir au pays pour créer les Studios Kabako, du nom de ce grand frère qui l’initia au théâtre et mourut de la peste, signe parmi tant d’autres de l’obscurantisme qui sévit dans cette contrée passée de la colonisation à la dictature et où la liberté d’expression est bafouée.

Pour cet artiste-citoyen, la nécessaire prise de parole par la création est un risque calculé: les autorités peuvent mal réagir à ses oeuvres, mais surtout, et c’est ce qu’il espère, les jeunes peuvent s’en trouver inspirés et retrouver le goût du rêve et de l’avenir. "Mon Afrique est en devenir, son identité n’est pas fixe", affirme le chorégraphe à l’occasion d’une brève pause dans l’actuelle tournée européenne où il tient le triple rôle de directeur technique et artistique et d’interprète. "Être optimiste est hautement subversif. La célébration est une façon de résister. Car, dans tout ça, nous sommes encore vivants."

Réunissant cinq musiciens et trois danseurs, Linyekula lui-même, Papy Ebotani et l’impressionnant Dinozord (vu en mars dernier à Tangente), More, More, More… Future milite précisément pour un futur plus lumineux que le présent à travers la musique ndombolo, sorte de pop congolaise à la Jimmy Hendrix et Janis Joplin qui fait habituellement rêver les foules en parlant d’argent facilement gagné, de jolies filles soumises, de vêtements griffés et de belles voitures.

"Comme si tout ça poussait dans les arbres dans un pays où, en fait, tout est à recommencer chaque jour", s’exclame Linyekula qui, pour l’occasion, matisse le ndombolo d’accents punk, se positionnant ainsi en contrepoint des jeunes qui, dans les années 70 et 80, "se sont emparés de la musique pour tout casser dans une société décrétée sans futur. Difficile pour nous de refuser un futur que nous n’avons jamais eu, difficile de casser encore plus notre tas de ruines."

En place des paroles faisant traditionnellement l’apologie du bling-bling, il met en scène la poésie engagée de son ami Antoine Vumilia Muhindo, prisonnier politique à Kinshasa. Jouée par le groupe Maison Mère et son guitariste vedette Flamme Kapaya, la musique a précédé la création du mouvement. "J’aime dire que je suis un conteur d’histoires", lance le chorégraphe. Mais après avoir parlé de son retour en terre natale, du destin de son peuple malmené, d’amis d’enfance décédés ou prisonniers politiques, voilà qu’il marque un virage important en choisissant de mettre le corps en relation non plus avec un récit, mais avec le son.

"Une fois l’espace sonore clarifié, nous avons cherché comment inscrire le corps dans ce son, mentionne-t-il. Sur scène, les musiciens font et défont l’espace de la danse en se déplaçant. C’est l’espace sonore et la position des musiciens qui définissent la scénographie pour la danse." Une création atypique qui devrait réussir à défaire les éventuels a priori sur la danse et sur la culture africaines.