James Long : Sur la route
Scène

James Long : Sur la route

Paris, Rome, Moscou, Athènes et Londres ne sont pas que des villes européennes. Le Theatre Replacement l’a appris au hasard d’une carte et s’est rendu au Tennessee pour y voir de plus près. Entrevue avec James Long, metteur en scène de la pièce The Greatest Cities in the World.

Au dernier Festival TransAmériques, une petite poignée de spectateurs ont pu vivre Bioboxes, expérience de "théâtre miniaturisé" pour un spectateur et un acteur à la fois. Le Theatre Replacement, dirigé par les Vancouvérois James Long et Maiko Bae Yamamoto, y proposait l’une de ses ludiques performances pour acteur dans une boîte, dans plusieurs langues et au confluent d’une myriade de cultures et d’identités. Car voilà leur dada: le couple se consacre depuis plusieurs années à un théâtre interculturel qui scrute de près les métissages de notre époque et interroge les identités et les nationalités en mouvement. Un théâtre certes identitaire et anthropologique, mais lié de si près aux notions de migration et d’appartenance à un territoire que d’aucuns l’ont étiqueté "théâtre ethnographique".

James Long hésite. "Je ne sais pas si c’est juste de le nommer ainsi. Il y a des prémisses ethnographiques dans ce que nous faisons, mais il serait prétentieux de ne pas nuancer. Ce que nous faisons est aussi profondément ludique, parfois très narratif ou intime, et nous ne sommes pas de véritables chercheurs puisque notre plaisir est de transformer le réel. Quoi qu’il en soit, nous sommes effectivement intéressés par le choc qui se produit lors de la rencontre de différentes cultures sur un même territoire."

C’est la première fois que Long et son équipe se déplacent pour investiguer un nouveau territoire. Au Tennessee, dans ces petites villes apparemment sans histoires et portant des noms trop grands pour eux, ils ont déambulé et fait des rencontres hétéroclites, sans véritable fil conducteur. De cette Amérique en fragments, ils ont vu le meilleur comme le pire. "Vu du Canada, on a tendance à considérer que les Américains sont incontestablement tous à droite, conservateurs et religieux, défenseurs sans relâche du capitalisme sauvage et un brin racistes. Je caricature, mais ce n’est pas loin de l’image qu’on aime se faire des États-Unis. Si on a été dérangés par les propos carrément haineux de certaines personnes qui ont des visions du monde opposées à la nôtre, on a souvent rencontré des gens adorables, et surtout beaucoup de gens animés d’idées progressistes et d’un féroce sens critique malgré leur manque de moyens pour se faire entendre dans cette Amérique où leur discours passe mal."

Le périple les a souvent décontenancés par ses contrastes et la pauvreté extrême qu’ils y ont rencontrée, même s’ils ont finalement reconnu une part d’eux-mêmes dans chaque citoyen interrogé. Dans The Greatest Cities in The World, les entrevues et les vidéos tournées au Tennessee sont projetées sur des surfaces transformables et mises en relation avec des personnages inventés, sur scène en chair et en os, en paroles et en mouvements dansés. Une manière de transformer la matière documentaire pour questionner les identités et montrer ce qui nous unit tous, malgré les frontières et les disparités.