Martin Larocque : Faculté d'adaptation
Scène

Martin Larocque : Faculté d’adaptation

Dans la comédie musicale Un violon sur le toit, Martin Larocque et ses comparses chantent les déboires d’une famille juive en pleine transformation.

Le comédien Martin Larocque vit en banlieue, joue surtout à la télé, donne des conférences sur l’estime de soi et affirme haut et fort son statut de papa à la maison. Loin de correspondre au profil type de l’acteur de théâtre montréalais, il ne cache pas du tout son désintérêt pour le théâtre "dramatique et profond", qui n’est pas vraiment son truc. Voilà qui est dit, sans retenue ni faux-fuyants. Il n’y a pas d’énormes chances de le croiser lors de votre prochaine sortie théâtre, mais la comédie musicale, par contre, ça l’allume. "Tout petit, je voulais faire du Broadway. Je me plais dans la mécanique des comédies musicales. Dans Un violon sur le toit, la musique a pour fonction d’amplifier l’émotion, de l’expliquer et de la faire aller plus loin. C’est un langage qui me parle."

Denise Filiatrault l’accoste un jour pour lui demander s’il peut chanter. "Il ne faut jamais dire non, alors j’ai répondu oui. J’ai eu des cours de chant comme tout le monde à l’école de théâtre; je m’y suis fié et j’ai espéré que j’allais être en mesure de relever le défi." Ça se passait en 2002, et ça lui a assuré un rôle dans Irma la douce. On suppose que la metteure en scène a succombé à son talent car elle n’a pas hésité quand est venu le temps de choisir un comédien-chanteur pour incarner Tevye – ce patriarche juif divisé entre la tradition et les mutations de sa société. Ce rôle, Larocque y rêvait depuis plus de 20 ans. "J’aime ce personnage à cause de la tension entre son image sociale et sa vie privée. Il est père de famille dans une société traditionaliste, donc figure d’autorité; il doit projeter l’image d’un homme en contrôle. Mais à la maison, il est loin de maîtriser la situation."

Vrai que beaucoup de choses échappent à ce pauvre Tevye. Déterminé à s’enraciner dans le petit quartier juif d’une ville russe, il a du mal à jongler avec les changements qui l’assaillent de toutes parts, même s’il sait, dit Larocque, que "l’avenir appartient à ceux qui savent s’adapter". Sa fille aînée lui annonce qu’elle préfère épouser un pauvre tailleur plutôt que le jeune homme de bonne situation qu’on lui promet, la deuxième se lie avec un étudiant marxiste aux idées révolutionnaires, alors que la plus jeune veut épouser un non-Juif. De quoi le mener à s’interroger sur sa propre relation de couple. "Il cherchera à définir le sentiment amoureux, explique l’acteur, il est bousculé par les nouvelles conceptions du couple que lui présentent ses filles." Rien ne va plus, et pour ajouter au drame, le tsar, déjà favorable aux pogroms, force la communauté juive à l’exil.

Une histoire bien connue, qui a tenu l’affiche à Broadway pendant huit ans (de 1964 à 1972), a été traduite et jouée partout et a fait l’objet d’un film en 1971. Dans le lot, il y a aussi eu une production québécoise à grand déploiement il y a quelques années, par la Société d’art lyrique du Royaume au Saguenay-Lac-Saint-Jean. Coproduit par le Théâtre du Rideau Vert et Juste pour rire, le spectacle n’échappe pas à une certaine démesure: il y a 19 acteurs-chanteurs-danseurs sur scène, dont Linda Sorgini, Lynda Johnson, Émily Bégin, Frédéric Desager et Renaud Paradis.

Larocque veut d’ailleurs profiter de ce passage au théâtre pour s’éclater; pas question de se prendre la tête. Il aime l’esprit de troupe qu’il dit ressentir depuis le début du projet, et parle de l’humour du spectacle, de son caractère festif aussi. "C’est très américain, grandiose, même si ça ne se termine pas en happy end hollywoodien. Et les Juifs ont beaucoup d’autodérision. Rien pour se taper sur les cuisses, mais c’est drôle et humain."