Salia Sanou et Seydou Boro : Sortir de la mêlée
Scène

Salia Sanou et Seydou Boro : Sortir de la mêlée

Les chorégraphes-interprètes Salia Sanou et Seydou Boro sont des porte-étendards de la danse contemporaine africaine. Ils arrivent au Festival TransAmériques avec Poussières de sang, une oeuvre pour sept danseurs et cinq musiciens créée au lendemain d’affrontements sanglants dans la capitale du Burkina Faso.

Comme beaucoup d’artistes africains, Salia Sanou et Seydou Boro ont commencé par s’expatrier pour développer leur art. Pendant une décennie, ils ont dansé pour la Française Mathilde Monnier, s’associant dès la deuxième année pour créer leur première oeuvre en tandem. C’était en 1994. Depuis, les deux Burkinabés ont présenté leur travail dans plus de 40 pays.

"Nous avons grandi dans une culture où la danse est liée aux émotions et aux instincts et notre rencontre avec la danse occidentale nous a permis d’apprendre la légèreté et l’abstraction, commente Sanou. Au début, on voyait clairement notre appartenance à l’école montpelliéraine mais on a affirmé notre vision des choses au fil des ans. Ce phénomène d’influences étrangères et de signatures qui se précisent ensuite est fréquent chez les artistes africains."

Au cours des 10 dernières années, la danse contemporaine a largement étendu ses racines en terre africaine grâce, entre autres, à de nombreux échanges internationaux. Les deux compères de la compagnie salia nï seydou ne sont pas étrangers au bouillonnement actuel de la discipline. En 2001, avec le festival Dialogues de corps qu’ils organisent à Ouagadougou, la capitale du Burkina, ils créent une plateforme de diffusion, d’échanges et de formation, un épicentre africain de la création chorégraphique contemporaine. Cinq ans plus tard, ils réussissent à concrétiser leur vieux rêve d’établir le premier Centre de développement chorégraphique du continent. Baptisé La Termitière, il est un lieu de formation et d’intégration pour la population et un lieu d’accueil pour les six compagnies professionnelles recensées au pays. C’est aussi là que Sanou et Boro offrent leurs oeuvres en primeur.

"Un de nos principes est de toujours créer en Afrique même si on a accès à des théâtres plus fortunés en Europe pour finaliser les projets techniquement, explique Sanou. Plus tard, quand la pièce a cheminé, on revient la tourner en Afrique. En 10 ans, on a réussi à interpeller au Burkina un public qui accepte nos créations. Ça n’a pas été facile au début. On nous a reproché d’être déracinés mais le discours à notre égard a beaucoup évolué et on nous voit comme des créateurs qui ont envie d’exprimer toutes sortes de réalités du quotidien."

En explorant la thématique de la violence sous différentes formes, Poussières de sang fait d’ailleurs référence à des affrontements entre la police et l’armée burkinabés ayant éclaté le jour de l’inauguration de La Termitière. Physique et frénétique, la danse, comme la musique, a été écrite à même les expériences de violence et de la douleur qu’elle engendre que les interprètes ont pu vivre. Sur scène, une chanteuse aux allures de griotte fait le lien entre les différents tableaux.

"L’interaction entre danse et musique est notre marque de fabrique; nous n’avons jamais travaillé avec une bande son, lance Sanou. L’instrument et le corps du musicien jouent un rôle essentiel: la façon dont il s’éclate, s’assoit, regarde les danseurs, tout cela rythme sa façon de jouer et nourrit la danse."