Mathieu Gosselin : Chants sacrés
Le Petit Théâtre du Nord fait cette année appel à la plume de Mathieu Gosselin. Après une veillée funèbre et quelques délires marionnettiques, l’homme accouche de Mélodie dépanneur, une parodie de comédie musicale aux accents ésotériques.
Imaginez un dépanneur, dans un patelin obscur. Ce n’est pas un dépanneur comme les autres. C’est un dépanneur-oeuvre. Partout, des ornementations chinoises décorent les murs et les étagères. En ouvrant la porte, vous découvrez des personnages qui ont adopté le dépanneur et le considèrent comme un lieu "hautement spirituel". Il y a un homme tatoué, qui a l’air d’une brute mais contrôle son tempérament excessif par une intense quête d’intériorité. Il y a aussi des jumelles "glauques", capables de pratiquer de parfaites séances d’hypnose. Tout ce beau monde se met parfois à chanter sans raison apparente. C’est là que débarque Paul, dans le singulier dépanneur que lui a légué son père, et qu’il compte bien faire disparaître.
"Je trouve que le dépanneur est un lieu social intéressant", dit Mathieu Gosselin. Certes. Et le dépanneur devient un sujet à la mode, un lieu qu’on tente désormais d’élever au rang d’institution québécoise, en publiant à son sujet des livres (comme Sacré dépanneur, de la journaliste Judith Lussier) et des articles de journaux qui en analysent les tenants et les aboutissants. Gosselin est peut-être le premier à s’en inspirer pour une pièce de théâtre. "C’est clair pour moi que ce lieu est porteur de théâtre parce qu’il est un lieu de rencontre. On y entend des conversations qui ne pourraient pas être entendues ailleurs. Dans mon dépanneur d’enfance, à Saint-Athanase, il y avait aussi des personnages, des bonshommes qui y passaient la journée, à rien faire sauf passer le temps."
Mélodie dépanneur, c’est donc un peu tout ça: un lieu chargé, des personnages qui font partie des murs, et puis un mélange d’humour absurde, de comique de situation, de chansons mièvres et d’ésotérisme de pacotille. Gosselin insiste: ce n’est pas une comédie musicale. Plutôt "une pièce de théâtre dans laquelle les personnages se mettent à chanter". "La comédie musicale n’est pas un genre que j’aime particulièrement. Sauf que ça m’a toujours un peu intéressé par la bande, parce que ce n’est pas naturaliste et qu’il y a là-dedans une forte théâtralité. Cela dit, j’ai toujours été irrité par la convention qui veut que les gens se mettent à chanter sans jamais se questionner sur pourquoi ils chantent. Je voulais poser la question: qu’est-ce qui peut faire chanter ainsi les êtres humains?"
Peut-être chantent-ils pour exprimer les bouleversements de leur psyché ou leurs drames intérieurs divers? On serait porté à le croire, tant le mysticisme et la quête de sens traversent la pièce. "Je trouve qu’il y a un grand potentiel comique dans le mysticisme d’aujourd’hui. Je voulais pousser cette situation à l’extrême, voir jusqu’où on pouvait aller dans la quête de sens, comment la recherche de spiritualité, souvent maladroite, peut être portée à des extrêmes comiques." Ça fait changement des portes qui claquent, non?
Du 26 juin au 20 août
Au Centre communautaire de Blainville
www.petittheatredunord.com