L’Assemblée des femmes : Dario et ses drôles de dames
Le Théâtre 100 Masques propose un rire antique pour sa production estivale. De l’Antiquité la plus crue.
Les femmes ont-elles une façon particulière de diriger? Les Margaret Thatcher de ce monde nous ont prouvé qu’elles n’avaient pas la poigne moins ferme que leurs homologues masculins. Quand vient le temps de signer une loi, c’est la main qui joue un rôle, pas le vit, ni le con. En d’autres termes, en politique, même si les femmes commencent à peine à prendre leur place parmi les élus du monde, on sait déjà que le sexe ne fait pas de façons.
Mais il y a 2400 ans, chez les Grecs, il était impensable d’imaginer les femmes diriger Athènes. Et pourtant, Aristophane s’y est amusé en écrivant L’Assemblée des femmes. Erika Brisson, qui incarne Praxagora, celle qui sera l’instigatrice de la révolution, a conscience que le texte prend une tout autre signification en étant actualisé. "C’était une pièce écrite par un homme, jouée par des hommes, pour un auditoire d’hommes. C’est sûr que ça devait être plus misogyne à l’époque, mais c’est différent aujourd’hui."
SEXE EN PILES
Cette révolution proposée par les femmes qui prendront la place des hommes à l’assemblée athénienne passera par la mise en commun de tous les avoirs. Une mise en commun totale, incluant l’argent, les biens et… le sexe.
Car la mise en commun est à ce point totale que les hommes et les femmes deviennent les amants et les maîtresses de tous. Or, pour éviter les injustices, un homme qui voudra gratifier une jeune femme de ses faveurs sexuelles devra d’abord dispenser ses soins à toutes les plus vieilles qui se présenteront à lui. Le chemin peut parfois être long avant de toucher la prime jeunesse… "C’est ce dont les hommes se plaignent", s’amuse Dario Larouche, directeur artistique du Théâtre 100 Masques et metteur en scène de ce projet.
Grivoiseries, blagues lubriques… L’Assemblée des femmes, même écrit avant le Nouveau Testament, est un texte cru dont le ton surprendra bien des gens. "Aristophane étant très cynique, très paillard et très obscène… ça parle de cul. Et dans un langage assez direct", admet Larouche, dont la mise en scène, loin d’atténuer les élans salaces de l’auteur grec, tendra à mettre en évidence ces crochitudes vouées à susciter un rire bien gras.
Même si la mise en scène y est pour quelque chose, la comédienne demeure pantoise devant le ton de la pièce: "Aujourd’hui, ça ne passerait pas. Un auteur ne pourrait pas déposer un texte comme ça, c’est certain."
Dario Larouche, qui a choisi lui-même L’Assemblée des femmes, trouve que ce texte demeure très actuel: "Il y a beaucoup de choses qui pourraient être écrites aujourd’hui, surtout quand ça parle de politique. Notamment quand il s’agit des chefs qui dirigent. Il y a une longue diatribe de Praxagora qui parle des chefs et qui dit comment le peuple se fait toujours avoir…"
QUE DES FEMMES
Pour mener à bien la production estivale du 100 Masques, Larouche a opté pour une équipe de femmes. Elles sont sept (Erika Brisson, Émilie G.-Gagnon, Marie-Ève Gravel, Marie-Noëlle Lapointe, Mélanie Potvin, Marilyne Renaud et Valérie Tremblay) à se partager tous les rôles. Un choix qui s’est imposé de lui-même au metteur en scène.
Larouche ne cache pas avoir fait un clin d’oeil à la plus récente production des Têtes Heureuses, qui avaient proposé une pièce entièrement jouée par des hommes – même les personnages féminins; on se souviendra sans doute du convaincant duo de Christian Ouellet et Martin Giguère.
Or, des raisons plus pratico-pratique ont aussi dirigé son choix: "Le 100 Masques travaille beaucoup avec la relève. Et depuis quelques années, il y a très peu de gars. Il y avait Alexandre (Larouche) et Jérémie (Desbiens) qui jouaient avec nous depuis trois, quatre ans, mais ils sont partis étudier à Montréal."
Il faut toutefois admettre, à l’instar de Larouche, que c’est une décision qui répond au propos du spectacle: "Comme c’est une pièce où les femmes prennent le pouvoir, ça se prêtait bien à ce qu’elles prennent aussi toute la place."
Alors, de quoi aurait eu l’air Athènes si la ville avait été dirigée par les femmes? Drôle, c’est certain.
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HOMMAGE AUX DONATEURS
Avec enthousiasme, le directeur artistique du Théâtre 100 Masques, Dario Larouche, vante le panégyrique des supporteurs de la compagnie, devenu tradition depuis quelques années. Le discours rendant hommage aux généreux donateurs, qui réussit chaque fois à mettre en appétit le spectateur, tiendra du tour de force cette année encore: 92 contributeurs seront nommés dans une courte entrée en matière d’une dizaine de minutes où on expliquera tout à la fois, d’une manière humoristique, Aristophane et la comédie antique. Si le 100 Masques est fidèle à son habitude, ce sera une excellente raison de ne pas arriver en retard à la représentation.