Sylvain Genois : Dépassement de soi
Fondateur de la compagnie québécoise Les Confins, Sylvain Genois croise cirque, théâtre, danse et philosophie dans Rup-Ture[s]. Une oeuvre sur le rapport à autrui qui met en scène six artistes.
Spécialiste de la corde lisse et du main à main, Sylvain Genois est aussi amateur de philosophie. En 2008, il fonde à Québec une compagnie qu’il positionne entre le cirque, la danse et le théâtre, d’où son nom, Les Confins, et se met au défi d’en épicer la première création de notes philosophiques. S’appuyant sur des textes du Russe Léon Chestov, mort en 1938, il collabore avec l’auteur et metteur en scène Kevin McCoy pour la création de Rup-Ture[s].
"On est parti de plusieurs textes et on a décidé de se concentrer finalement sur un article qui traite de l’impossibilité de connaître l’autre, commente l’artiste de 35 ans. Évidemment, l’inspiration est très libre car il faut incarner physiquement le propos philosophique. Mais le rapport au texte nous a permis d’aller dans une dramaturgie assez poussée, quelque chose d’assez narratif. Il nous a fait entrer également dans un environnement très intime et dans une sorte d’univers existentialiste qui peut surprendre."
Genois incarne donc un individu dont le quotidien se trouve soudain perturbé par l’émergence de souvenirs qui prennent forme. Cette bascule du réel colle à l’idée de rupture que Chestov définit comme "un instant qui culbute sur lui-même" et qui se traduit par de brusques changements d’atmosphère, de cadre et de ton. Et si Shakespeare côtoie le Russe dans les quelques textes qui émaillent la pièce, c’est majoritairement par le mouvement que s’expriment les idées et, notamment, à travers les chorégraphies d’Arielle Warnke St-Pierre.
"L’intégration des trois disciplines a été compliquée, confie Genois. Au début, on a travaillé beaucoup en improvisation et très peu avec nos disciplines circassiennes, pour faire de la place au théâtre et à la danse et ne pas les plaquer sur le cirque. À un moment donné, on a même douté de pouvoir y arriver: ce n’est pas parce que tu jongles avec des fruits dans une salle à manger que ça devient intéressant ou que ça prend du sens. On a opté pour la simplicité en abaissant parfois le niveau technique pour mieux servir la théâtralité. La technique circassienne s’est insérée dans le processus de création, elle est devenue un moyen plutôt qu’une fin." Frédéric Lebrasseur joue en direct des musiques faites de classicisme et de sonorités urbaines, des pièces inspirées par celles de compositeurs russes contemporains de Chestov.