Frédéric Dubois : Ines, Inat et les autres
Scène

Frédéric Dubois : Ines, Inat et les autres

Le penchant de Frédéric Dubois pour l’oeuvre de Réjean Ducharme ne date pas d’hier. Après Le Cid maghané et HA ha!…, il s’attaque à présent à Ines Pérée Inat Tendu.

Depuis longtemps, Frédéric Dubois avait envie de monter Ines Pérée Inat Tendu. Mais comme la pièce avait été présentée au Trident en 1999, il préférait attendre un peu. Jusqu’à cet été, où il peut enfin s’en donner à coeur joie. "Pour moi, l’oeuvre de Ducharme est un amour éternel de jeunesse et de vie. On dirait qu’elle représente mon univers fondateur, avec celle d’Ionesco. C’est la Cadillac de la théâtralité!" s’enthousiasme-t-il, en soulignant à quel point ce texte, caractérisé par "la rencontre, le choc, la joute verbale, le ludisme", a été écrit pour être joué.

Sur quoi il ajoute: "Ce qu’il dit est capital. Ça parle tellement de nous, du Québec." Ainsi, à travers la quête des deux orphelins du titre, à travers même les expressions anglaises d’Ines, il y voit une célébration de notre identité, de notre langue. Métaphore qu’il a décidé d’accentuer en ajoutant des références au Refus global et à certains événements politiques. "Laissez-nous exister!" lance-t-il en guise de résumé du propos. "La pièce dit: "Je suis, donc j’ai ma place, je peux revendiquer, crier, prendre." Ça va au-delà d’un référendum; il s’agit juste d’une affirmation." Car ce n’est pas en mendiant que ces enfants de 20 ans réclament d’être aimés pour ce qu’ils sont, mais avec une véhémence que le doigt d’honneur de l’affiche du spectacle (primée au concours de Communication Arts) exprime éloquemment.

Concernant sa mise en scène, Frédéric Dubois a l’impression de suivre les mêmes pistes que pour HA ha!… "On est dans un terrain de jeu, explique-t-il. D’ailleurs, Ducharme dit en ouverture que la pièce est faite pour être jouée à la va comme j’te pousse, avec des blancs de mémoire de toutes les couleurs. Il y a là quelque chose de complètement déjanté. En fait, c’est dans l’élan que ça se ressemble le plus. Si on se pose des questions, si on essaie de faire de la psychologie, on est fini. Tout est affaire de rythme, de virtuosité, de débordement. Parce que ça relève de l’imaginaire de l’enfance."

Or, cette vision du monde s’y heurte constamment à celle des adultes, de sorte que sa proposition repose entre autres sur l’idée qu’il y a, d’une part, Ines et Inat, de l’autre, "les uniformes". De plus, devant une situation sans issue menant à la corruption, à la mort, il a choisi d’utiliser le lieu tel quel pour créer un no man’s land, avec des portes par lesquelles les comédiens entrent et sortent de manière parfois incohérente. "C’est comme un Traboulidon, illustre-t-il. Ils sont pris là, piégés."

N’empêche, l’ensemble n’en prend pas moins des airs de fête, au gré d’une écriture savoureuse de poésie, d’intelligence, d’humour, qu’il a demandé aux comédiens de rendre avec un naturel comparable à celui de Charlotte Laurier dans Les Bons Débarras. Le tout, suivant un parti pris que les amateurs des Fonds de Tiroirs pourront également rapprocher de celui du Cid maghané et de Vie et mort du roi boiteux.