Carl Ritchie : En famille
Tensions familiales, couples contrastés et chocs générationnels. Tels sont les ingrédients de prédilection des comédies de Carl Ritchie, dont trois sont jouées au Québec cet été.
Sur les affiches off-Broadway, Carl Ritchie est un nom récurrent. Depuis qu’il s’est installé à New York, ce Néo-Brunswickois d’origine est devenu un auteur à succès dont certaines pièces, comme Family Values, en ce moment à l’affiche du Théâtre Hector-Charland de L’Assomption sous le titre Sacrée famille! et dans une mise en scène de Louise Laprade, ont été jouées pendant des semaines et des semaines dans la ville qui ne dort jamais.
Son étoile ne pâlit toujours pas, et depuis quelques années, les théâtres d’été du Québec semblent carrément l’avoir adopté, à commencer par le Théâtre Beaumont St-Michel, où Sacrée famille! a d’abord été produite en 2007 (par une équipe totalement différente de la production actuelle). Dans le village bellechassois, on a aussi programmé une pièce de Carl Ritchie l’an dernier, La Cousine Germaine, reprise cet été au Théâtre des Cascades. Et pour clore la série, le metteur en scène Michel Poirier, de plus en plus associé à ce petit théâtre de Chaudière-Appalaches, lui a commandé un texte original cette année. Ça a donné Coco Chatel, avec Louise DesChâtelets dans le rôle-titre.
Si Ritchie s’est aussi frotté à la comédie musicale et a varié son propos dans une série de pièces sur la maternité, la plupart de ses textes s’articulent selon une même logique. La famille est pour lui le territoire par excellence pour exposer les tensions humaines, de même qu’il se plaît à faire se rencontrer des personnages aux valeurs opposées, séparés par une génération, par une classe sociale ou par des conflits idéologiques.
La structure est assez classique en comédie, mais chez Ritchie, elle se teinte d’une coloration morale pour le moins étonnante. "Je n’ai pas peur, en effet, d’écrire des pièces un tantinet moralisatrices. Je le fais le plus discrètement possible, mais j’aime mettre des valeurs humaines en opposition et réfléchir à ces valeurs-là à voix haute, dans une recherche de ce qui est juste. J’ose espérer que je le fais assez doucement pour que ce ne soit pas complètement rasant."
Dans Sacrée famille!, par exemple, un homme dont le couple vogue à la dérive est confronté aux choix de vie de ses enfants, qui n’entrent absolument pas dans son système de pensée. Sa fille fréquente un anglophone et son fils est homosexuel. Conservateur et réactionnaire, le pauvre bougre ne sait plus sur quel pied danser.
"Le microcosme familial doit être vu comme un reflet de la société, et j’essaie de toucher à l’universel tout en inscrivant l’action dans un petit milieu. Et bien sûr, même si je ne veux pas faire dans la pièce politique à l’extrême, je critique un peu par là le conservatisme de la société américaine. Dans la version originale de Sacrée famille!, le gendre est un démocrate auquel le père s’oppose en tant que fier républicain. Je voulais pointer l’extrémisme des divisions créées par la politique américaine. Mais de façon rigolote."
Ajoutez à cela un souci de dépeindre la complexité des relations de couple contemporaines et un talent certain pour la caricature, et le portrait est assez juste.