Gaétan Paré : La mascarade
Scène

Gaétan Paré : La mascarade

André Brassard n’avait que 20 ans quand il a monté Les Bonnes, de Jean Genet. L’oeuvre attire toujours la jeunesse, il faut croire, car voilà qu’elle reprend vie sous le regard de Gaétan Paré.

Gros Bison et autres propensions. C’est le joli nom de la nouvelle compagnie fondée par Émilie Cardin, Jacinthe Parenteau et Donat Béland. Ce sont eux qui, vivement interpellés par Les Bonnes, texte canonique de Jean Genet, ont cogné à la porte du metteur en scène Gaétan Paré. Ça tombait pile: Paré ressent une folle attraction pour cette pièce depuis le jour où, émergeant du milieu des arts visuels, il s’est mis à s’intéresser au théâtre.

Mais le doute l’accable, ça s’entend. Monter Les Bonnes, quand on est jeune et que la tradition entourant la pièce est écrasante, ça fait peur. Même si Paré, après s’être frotté à des textes plutôt corsés d’Heiner Müller, Hervé Blutsch et, plus récemment, Marius Von Mayenburg (Le Moche), n’est pas du genre à se laisser intimider par les mots. "Mais Les Bonnes, dit-il, ça arrive avec son lot de discours très intellectuels, d’analyses et d’interprétations de toutes sortes. Trouver sa place là-dedans, en tant que jeune metteur en scène, ce n’est pas aisé. Toute cette glose intello, je dois dire que je n’y crois pas tellement; je valorise davantage le travail concret. J’essaie donc de rester humble. Mon but est de simplement faire résonner le texte. Genet traite d’un sujet multiple, c’est une chose qui se décuple, qui nous résiste et nous échappe beaucoup. Je ne veux pas m’imposer trop fort dans cette structure-là."

Rien à faire, donc, des interprétations les plus connues de la pièce, lesquelles considèrent que les bonnes, soumises à leur maîtresse et incapables d’exister pleinement en dehors de jeux de rôles et de fomentations de crimes qu’elles ne perpétreront jamais, ne reproduiraient qu’une situation vécue par les Français pendant la Deuxième Guerre mondiale: l’asservissement et la soumission à l’occupant. "C’est séduisant, tout ça, dit Paré, mais je ne veux pas greffer artificiellement des idées sur le texte, d’ailleurs, des idées que tout le monde connaît déjà. Je trouve que ça enferme le sens plutôt que de faire résonner la parole."

Loin du politique, donc, le jeune metteur en scène semble plus près d’une lecture existentialiste de la pièce quand il identifie chez Les Bonnes un sentiment de "culpabilité de vivre" et "d’emprisonnement dans des rôles castrateurs". "Il y a aussi, ajoute-t-il, qu’on porte tellement de masques, on joue des rôles sociaux prédéfinis qui nous éloignent de notre nature propre. Pour moi, c’est beaucoup ça, Les Bonnes. C’est le cri de la naissance, celui qu’on lance quand on est garrochés dans l’humanité sans mode d’emploi. Pourquoi rejette-t-on ce qui nous ressemble vraiment pour emprunter des codes sociaux conformistes qui nous éloignent de ce qui nous serait vraiment nécessaire? On ne vit pas dans une nécessité de connaissance, pas dans une nécessité de compréhension de nous-mêmes et du monde. C’est ça, en fait, c’est précisément ça, Les Bonnes."