Mélodie Dépanneur : Chinoiseries
Scène

Mélodie Dépanneur : Chinoiseries

La Chine, réduite à quelques clichés intelligemment dramatisés, est au coeur de Mélodie Dépanneur, comédie de Mathieu Gosselin à l’affiche du Petit Théâtre du Nord.

André Malraux aurait dit un jour, bien qu’il en récusât la paternité: "Le 21e siècle sera spirituel ou ne sera pas." Peu importe l’ambiguïté de l’affirmation, elle résume bien les enjeux que Mathieu Gosselin ose aborder dans sa comédie. Faut-il réintégrer les dieux dans nos vies spirituellement décentrées? La question, très sérieuse, est brandie de tout son long dans cette pièce pourtant très drôle, à condition de vouloir rire au second degré.

Car le rire, ici armé des mécanismes de l’absurde et du comique de situation, n’est pas inoffensif. Sans être subversif, ni proposer une réflexion nouvelle ou une écriture très soignée, Gosselin met le doigt sur une réalité dont on n’ose jamais rire franchement en cette époque déconfessionnalisée et désorientée. Quand il débarque dans le dépanneur de son défunt père, un commerce décoré d’ornementations orientales bon marché et de sculptures faites maison, Paul (Luc Bourgeois) constate l’ésotérisme de pacotille du paternel et la spiritualité boboche de la faune locale. Poupée (Mélanie St-Laurent) et Princesse (Louise Cardinal), des jumelles moustachues, ainsi que Kangourou le bum (Sébastien Gauthier) ont élu domicile dans le dépanneur, lieu inespéré de plénitude et de croissance personnelle. Croyez-le ou non.

Mélodie Dépanneur est aussi une parodie de comédie musicale où les chansons retentissent de manière artificielle. Faut-il y voir le miroir d’une communauté dépossédée de sa spiritualité, d’une collectivité qui croit voir de l’intériorité dans les chansons sentimentales et les trémolos? L’idée d’associer recherche factice de spiritualité et caractère préfabriqué du musical est fort cohérente. Et, ô joie, elle permet de subtiles parodies de chansons orientales.

Tout cela est par contre plaqué sur une structure dramatique psychologisante, dont les principaux ressorts (blessures d’enfance et tiraillements de la relation père-fils) paraissent empruntés. Gosselin arpente ce territoire avec dérision, mais il y perd de l’originalité, devenant tout à coup prévisible alors que son univers dramatique ne laissait rien présager de tel.

La mise en scène de Benoît Vermeulen reste près du texte, n’en accentuant pas trop les versants caricaturaux. Même Kangourou, personnage très archétypal, demeure habité d’une grande sincérité. Du rire intelligent.