Alexia Bürger : Chiens écrasés
C’est le retour des Biches Pensives, qui s’attardent à radiographier et théâtraliser quelques faits divers et insolites avec leur pièce Nous sommes faits (comme des rats).
Café-bar de la Cinémathèque, l’été dernier, sur la terrasse. Les Biches Pensives (Catherine Dorion, Annie Darisse et Dominique Leclerc), jeunes et ardentes comédiennes, s’apprêtent à jouer leur pièce Ça se dit pas, écrite à quatre mains pour être présentée sur le vif, dans un esprit léger mais un brin caustique. Le critique, souffrant un peu de mauvaise foi estivale, est plutôt sceptique. Car Les Biches font dans l’anecdotique et pensent trouver matière à théâtre dans la banalité: il y a de quoi être inquiet. La mauvaise foi prend toutefois le bord quand débute la représentation. L’humour est mordant, le jeu est caricatural mais pas grossier, le texte a ses faiblesses mais il est plein de lucidité. Les Biches avaient inventé un ton et trouvé leur créneau, s’insérant en bonne place dans un réseau estival qui a beaucoup de mal à se renouveler.
Les voilà de retour, à quelques jours de l’automne, et leur nouvelle pièce s’intitule Nous sommes faits (comme des rats). Elles ont choisi cette année d’entrer à l’intérieur du café-bar, de greffer à leur petite équipe un contingent de quatre jeunes auteurs (Rébecca Déraspe, Justin Laramée, Jean-Philippe Lehoux et Gilles Poulin-Denis, en plus de Catherine Dorion), et de faire appel aux lumières de la comédienne Alexia Bürger pour la mise en scène. Il semblerait que même si les tragédies ordinaires sont encore leurs jouets de prédilection, les textes sont plus sérieux. "On en oublie même, par moments, qu’au départ, c’était une comédie qu’on voulait faire, explique Bürger. Je pense que la pièce oscillera entre les tonalités dramatique et comique, on travaille ce dosage-là avec minutie."
Si la pièce de l’an dernier était de l’ordre de la sociologie du quotidien, Les Biches ont eu envie de puiser cette fois dans les chroniques de faits divers. Une matière riche en drames humains de toutes sortes, que les journalistes interrogent rarement plus loin que la stricte collecte des faits. "Ce sont des événements qui n’ont aucune portée générale, dit la metteure en scène, alors il est naturel qu’on les relègue rapidement aux oubliettes. Ça s’est mis à me travailler, cette idée qu’on a de les classer, de les juger très rapidement, comme des étoiles filantes qui passent et sur lesquelles on se fait une idée tranchée. On a voulu sortir ces histoires-là des cinq lignes qui leur sont habituellement réservées et donner une tribune à leurs protagonistes pour qu’ils viennent nous parler de ce qui les a poussés à commettre ces actes-là. Pour être avec eux, dans l’écoute, au-delà du jugement."
Ce seront donc cinq monologues, cinq voix venues exprimer leur perception réelle des événements. Éclairé d’une lumière crue par les autres comédiens, chaque acteur prendra la parole sous le regard de l’autre, comme soumis à la radiographie de ses contemporains. "À défaut de toucher d’emblée à des sphères plus larges, ces faits divers-là font appel à nos instincts, et pour cette raison, il me semble qu’on ne devrait pas les oublier si vite. Sans compter que certains font écho à des réalités sociopolitiques qu’on ne veut pas occulter, même si on ne les accentue pas."