Frédérick Gravel : Quête de repères
Scène

Frédérick Gravel : Quête de repères

À La Chapelle, Frédérick Gravel reprend Tout se pète la gueule, chérie, présenté avec succès au dernier Festival TransAmériques. Une distribution éclatée pour parler de mâles en quête de repères clairs.

Qu’il porte une casquette, des bottes de cowboy, des lunettes noires et une bière à la main; qu’il soit à poil, en survêtement ou en costard, c’est le portrait d’un homme à l’ego chancelant et à la vulnérabilité patente que brosse Frédérick Gravel dans sa dernière création. Pendant plus d’une heure, il décline en une quinzaine de tableaux le thème de la désorientation avec le compositeur-interprète Stéphane Boucher, le créateur-performeur Nicolas Cantin et le chorégraphe Dave St-Pierre redevenu, après une greffe des poumons, le grand danseur qu’il fut. Des personnalités si contrastées que les réunir sur une même scène était un vrai défi.

"On a tous des forces tellement différentes que les trios et les quatuors étaient difficiles à mettre en place dans le temps qu’on avait avant le FTA, indique Gravel. À cette étape, on est donc allé plus dans les solos pour faire quelque chose d’assez festif et de physiquement engagé. Mais c’est sûr que la création continue. Les choses doivent se poser, pouvoir continuer à pousser et je dois trouver comment mieux intégrer tout le monde. Le spectacle a du potentiel, mais il lui manque encore une certaine profondeur de champ et des couches de sens."

De fait, la première mouture de la pièce, très divertissante, a obtenu un franc succès auprès du grand public, mais a reçu un accueil plus mitigé chez les connaisseurs. Et si l’intégration danse et musique est des plus réussies, la dimension concert du spectacle étant bien affirmée, les deux nouvelles semaines de création permettront à la chorégraphie de gagner en maturité. L’ajout d’une séquence de plus est au programme du chorégraphe de 31 ans qui souhaite se concentrer sur le renforcement de l’écriture chorégraphique pour donner plus de poids à des séquences qui peuvent encore sembler anecdotiques.

"J’ai souvent peur de faire trop plate, trop long, ce qui fait que j’ai tendance à mettre fin à une scène dès que j’ai quelque chose qui marche, confie Gravel. Il me faut maintenant assumer que ça peut durer un peu plus longtemps et trouver les solutions chorégraphiques pour que ça se construise encore plus plutôt que de rester à l’état d’ébauche. Aussi, je veux chorégraphier mon solo, qui est une impro, pour mieux préciser mes intentions et l’inscrire plus fortement dans le spectacle."

Belle nouvelle que ce désir de donner plus de corps et de profondeur à une création où l’on a déjà pu apprécier l’intensité de la musique et de certaines séquences chorégraphiques, de même que la justesse de certains personnages. On y goûtera les discours parallèles de Gravel au micro (bien moins nombreux que dans Gravel Works, repris à La Chapelle en novembre prochain) et les clins d’oeil à l’histoire de la danse. Les curieux iront voir sur YouTube le danseur Dominique Mercy dans Nelken, de Pina Bausch, pour voir autrement le solo de St-Pierre dans son désormais mythique personnage de blonde, et certains distingueront peut-être le Faune de Marie Chouinard dans une longue traversée de Gravel en solo. "Il est un peu chouinardien ce solo mais j’ai surtout pensé à Nijinski. Je trouvais intéressant de voir à quoi pouvait ressembler un faune hétéro, paumé, plus animal et avec une casquette, mettons."