Thérèse et Pierrette à l'école des Saints-Anges : Désirs et oppressions
Scène

Thérèse et Pierrette à l’école des Saints-Anges : Désirs et oppressions

Thérèse et Pierrette à l’école des Saints-Anges propose un portrait historique doux-amer d’une société pas si lointaine, tiré des Chroniques du Plateau-Mont-Royal.

Dans une école dirigée par une mère supérieure capricieuse et tyrannique (Muriel Dutil), de jeunes adolescentes québécoises tentent de se faire une place en ce bas monde. Autour d’elles gravitent leurs mères et les religieuses, femmes des années 40 prisonnières de leur quotidien, et un homme tourmenté par sa libido tordue (Sébastien Huberdeau, méconnaissable).

"Simone décida qu’elle ne voulait plus être belle." C’est ainsi que se termine la réflexion portée par Serge Denoncourt à travers l’oeuvre mi-figue mi-raisin de Michel Tremblay. Il s’agit bien ici de Thérèse et Pierrette, jolies premières de classe interprétées brillamment par Catherine De Léan et Marie-Ève Milot, mais aussi de Simone bec de lièvre (Sylvianne Rivest-Beauséjour), qui sera frappée par une vérité acide: la beauté n’apporte pas que du bonheur, surtout à cette époque où la force des femmes est honnie.

En témoigne cette rage qui bouillonne au coeur d’une Albertine très justement interprétée par Danielle Lépine, surtout dans ce monologue repiqué par Denoncourt. Et que dire de la tirade libératrice envoyée en pleine figure à la directrice par la mère de Simone? C’est au nom de son enfance écrasée par des soeurs despotes, en celui de sa fille et de tous ceux qui ont un jour vécu l’abus de pouvoir sans rechigner qu’elle livre cette bataille. Par la voix artistique de Tremblay, la mise en scène de Denoncourt et l’interprétation savoureuse d’Isabelle Drainville, on est libéré d’un fardeau porté pendant trop d’années: l’oppression du pouvoir abusif. Tant et si bien que l’on applaudit de soulagement.

Josée Beaulieu, avec sa soeur Pied-Botte, ressort comme la cerise sur le sundae. Son jeu claudicant et sa parole rustre nous font l’adorer. Ce personnage porte le comique de la pièce, même si l’on sourit autre part.

Les photos d’archives qui servent de toile de fond au sobre décor sont intéressantes, mais apportent peu, sauf peut-être le charme de pouvoir y lire les mots du roman original. Dommage que la narration qu’en font les comédiens soit parfois maladroite et détonne du reste de l’interprétation, brisant la fluidité du spectacle.

Finalement, on se trouve bien aise d’être libéré de cette époque ridicule. Et pourtant, certaines choses ont si peu changé. À la fin de la pièce, on balance entre le sourire et les larmes, la gorge serrée par une finale abrupte, mais surtout par tous ses sous-entendus. Comme le confiait Denoncourt, n’est-ce pas là la force de Tremblay: nous faire passer d’une émotion à l’autre, en toute humanité?

À voir si vous aimez /
Encore une fois si vous le permettez, Les Belles-Soeurs et Les Chroniques du Plateau-Mont-Royal de Michel Tremblay