Jean-Sébastien Ouellette : L'ombre du doute
Scène

Jean-Sébastien Ouellette : L’ombre du doute

Jean-Sébastien Ouellette a vu en Don Juan un doute, autour duquel il a construit sa mise en scène de la pièce de Molière. Dans la tête du plus grand des séducteurs.

Jean-Sébastien Ouellette a joué dans plusieurs classiques et avait depuis longtemps envie d’en monter un. L’heureux élu est finalement Dom Juan de Molière, une pièce qu’il avait vue lors de sa présentation au Trident en 1994. "Quand je l’ai lue, j’ai tout de suite eu une idée quant à la façon de la monter. Je voulais que toute l’action se passe à l’intérieur de la maison de Don Juan", se rappelle-t-il.

Puis, la présence du doute chez ce héros mythique a servi de ligne directrice à sa mise en scène. "Je me suis demandé: "Comment un libertin, un blasphémateur qui a des idées très arrêtées et ne croit pas en Dieu ou, en tout cas, lui demande de se manifester, comment une telle personne peut aller jusqu’au bout?", raconte-t-il. En fait, il répond lui-même à ses propres doutes puisque, pour avoir une conviction, il faut s’être posé une question."

Voilà donc ce qu’il cherche à mettre en relief tout au long de ce "suspense". "Ce sont les 24 dernières heures de Don Juan. Il se fait avertir qu’il va mourir, il court, il essaie de ne pas se faire prendre", précise-t-il. Cela, sur fond de réflexion philosophique autour de la fidélité et de l’existence de Dieu.

Miser sur l’humanité du personnage lui permet entre autres de surmonter une des principales difficultés de la pièce, c’est-à-dire de réconcilier ses aspects tragique et comique. Mais également, de souligner le caractère actuel de son discours sur le plaisir ou l’hypocrisie, notamment.

Dans cette optique, le metteur en scène s’est beaucoup attardé à la vérité du jeu. "Avec Hugues Frenette dans le rôle de Don Juan, j’avais la personne idéale pour ça. On est hypnotisé par lui et dégoûté de l’aimer. Il suscite un sentiment assez étrange. De même, j’ai choisi Jean-Michel Déry pour jouer Sganarelle, car je voulais un acteur vrai qui peut aussi être drôle."

Bref, la pertinence de son intuition de départ s’est confirmée au fil du travail. "L’action se passe chez lui, mais en fait, elle se passe en lui", observe-t-il. Ainsi a-t-il "ajouté certains moments oniriques où Don Juan est face à lui-même, à ses démons", en plus de modifier la finale. "J’ai décidé de ne pas l’envoyer en enfer pour rester proche de la proposition d’un être humain hanté, indique-t-il. Alors j’ai trouvé une nouvelle façon de le faire disparaître, qui réside dans l’opposition entre la réalité et la fiction ou entre l’autre monde et le monde présent."

Enfin, le décor de cette "Dernière Cène à l’envers" prend d’abord l’aspect d’un intérieur d’époque, avec une grande table de banquet et des chaises. Puis, "la table bascule pour devenir un quai. On met les chaises une par-dessus l’autre pour évoquer des arbres, illustre-t-il. C’est la bonne et la mauvaise conscience de Don Juan, les personnages gravitant autour de lui à la manière de souvenirs, de fantômes, qui modifient l’espace et le temps." Comme quoi les athées ont aussi leur enfer…