Vertiges : Engagement volontaire
Olivier Lépine dirige une vingtaine d’artistes dans Vertiges, une création collective multidisciplinaire où il est question de la société actuelle. Prise de parole.
Production tectoniK_ (Darwin, We Have a Problem, Purifiés, Symbioses) s’apprête à nous donner des Vertiges. "Le mot n’est pas utilisé dans le show, mais le processus de création était vertigineux en raison de la grosseur du groupe et parce qu’on avait envie de traiter de notre société, mais sans paraître moralisateurs ou prétentieux", explique Olivier Lépine, metteur en scène de ce spectacle qu’il cosigne avec sept autres auteurs et dans lequel il joue en compagnie de 19 artistes issus de différentes disciplines (théâtre, danse, musique, photographie).
L’aventure a commencé il y a deux ans, alors qu’on fêtait le 60e anniversaire du Refus global. "On s’est demandé, nous, en tant que jeunes artistes, comme eux l’étaient à l’époque, si on voulait parler de nos injustices et de nos fiertés, comment on le ferait?" relate-t-il. Ils ont donc passé huit mois à discuter de différents sujets (environnement, politique, éducation, guerre, etc.), avant d’entreprendre le processus de création, puis de présenter un premier laboratoire au printemps dernier.
En résulte un ensemble éclaté, avec pour constante la présence des artistes, qui habitent l’espace et réagissent même quand ils ne sont pas à l’avant-plan. "Ce sont des paroles, de la musique, des images. Il y a des trucs poétiques, d’autres engagés. On voyage entre des effets de choeur et un discours individuel, le concret et le flou, le lent et le rapide."
Quant au propos, il s’avère parfois très personnel. "Souvent, pour que ça ait l’air vrai, on s’exprime en notre nom, explique-t-il. Donc, les comédiens ont dû dévoiler une part de leur intimité. Aussi, étant donné qu’on ne voulait pas se présenter comme des êtres parfaits, il a fallu révéler des choses dont on est un peu moins fiers ou qu’on aimerait changer." Par exemple, le fait que l’indignation s’accompagne rarement d’actions concrètes.
Or, si Vertiges s’avère "très impliquant" pour les artistes, il vise également à ce que le public se sente interpellé. Ainsi, les spectateurs seront placés de part et d’autre de la scène, comme dans une arène politique, histoire de favoriser une grande proximité. "Si tout le monde est face à un côté, on peut donner l’impression que les gens à l’arrière font partie de cette masse, illustre le metteur en scène. Alors ça inclut, ça rapproche."
Enfin, bien que le spectacle aborde des aspects sombres de notre société, il n’en est pas pour autant dénué de lumière. "Le vertige peut être épeurant comme il peut être euphorisant", note-t-il. Une idée que traduit également le décor, où se côtoient pureté et spectre inquiétant. "On souhaitait que le spectateur sorte avec l’impression que tout est encore possible. Bien sûr, on est un peu utopistes, mais notre jeunesse nous donne le droit d’avoir la folie du rêve, de croire que ça peut bien évoluer." Et d’encourager tout un chacun à s’engager dans ce but.
MUSIQUE ENGAGEE
Difficile de cerner l’expérience que sera Vertiges. En nous entretenant avec le musicien Josué Beaucage (Who Are You), qui a déjà collaboré avec Olivier Lépine pour Le "K" Buster, on constate que le titre lui-même porte le secret de cette expérience théâtrale. Tout nous paraît déstabilisant et pamphlétaire. "Je vois même notre rôle de compositeurs, à Pascal Asselin [Millimetrik, qui collabore aussi à Vertiges] et moi, comme celui d’un reporter, précise-t-il. C’est très parlementaire comme dynamique. Ce sont des mises en situation, c’est politique aussi… Toute l’action est ancrée dans le moment présent."
Invité à nous décrire la facture sonore qui accompagnera cette production, Josué Beaucage nous assure que le tandem de musiciens sera partie prenante de la distribution. En plus d’avoir à sa portée claviers, basse, batterie et portable (échantillonnage), le duo pourra tirer profit de la scène elle-même, qui permet de mettre en place un dispositif électroacoustique original. "En voyant l’aménagement de la salle, j’ai pensé à un aréna. J’ai eu l’idée de planifier un cluster généré par haut-parleurs. J’ai fait un mix en mono, distribué sur six haut-parleurs qui seront disposés en rond autour et au centre de la scène. Autant nous aurons de la musique qui sera interprétée live (parfois basse et batterie, un peu à la White Stripes), autant les pré-enregistrements se grefferont à la performance. C’est un contraste acoustique intéressant. Je ne sais pas encore si ça va fonctionner. Pour la conception, je me suis laissé imprégner du sentiment de vertige, justement." (A. Léveillée)