Lucien Ratio : Onde de choc
Scène

Lucien Ratio : Onde de choc

Lucien Ratio voulait parler de stress post-traumatique et d’un band rock. Il a donc écrit La Fanfare, un show qu’il dirige et dans lequel il joue avec son groupe de musique.

Cinq ans après sa sortie du Conservatoire, Lucien Ratio a décidé de fonder sa propre compagnie, Le Théâtre du temps qui s’arrête. "Je voulais attendre d’avoir envie de parler de quelque chose qui me tient à coeur, raconte-t-il. La Fanfare porte sur le stress post-traumatique, un sujet que je trouvais intéressant depuis longtemps parce que ça démontre que la guerre soumet l’homme à des situations pour lesquelles il n’est pas fait. Souvent, on présente le côté héroïque. Moi, je désirais parler de ceux qui en reviennent brisés. À Québec, il y a beaucoup de familles qui sont touchées par cette situation."

Son intention était aussi d’adopter une approche inédite. "Ça me tentait de lancer une compagnie qui fait les choses sans compromis, mais surtout, qui crée des événements, poursuit-il. La Fanfare est traité comme un show rock. On voulait que le public vienne voir un spectacle non conventionnel, où il y a un peu de tout." Par exemple, les membres de son groupe, Décembre en chute libre, ne se contentent pas de faire de la musique: ils jouent tous un rôle dans la pièce. Pour l’occasion, ils ont adapté deux de leurs chansons et en ont composé deux nouvelles. "Ça ressemble un peu à du Nirvana unplugged."

Concrètement, La Fanfare raconte l’histoire d’Eugène, un soldat qui, à son retour d’Afghanistan, souffre du syndrome de stress post-traumatique. Il avait l’habitude d’écrire, mais n’en est plus capable. Puis, il entre à l’emploi d’un magasin de musique, où il rencontre les membres d’un groupe qui essaie de percer. "C’est un peu traité comme un film, avec des flash-back et plusieurs couches qui se chevauchent. On voit un show rock, le retour d’un soldat et ce qui s’est passé en Afghanistan."

L’ensemble repose donc sur des contrastes, qui se traduisent également à travers la scénographie. À une extrémité de la scène en forme de T, avec un walk-in fendant la foule comme dans un show rock, se trouve l’Afghanistan, évoqué par des clôtures Frost et des amas de pierres; à l’autre bout, le groupe de musique avec son équipement moderne. "On voit le clash entre ces deux mondes, la rencontre entre deux cultures, observe-t-il. Les enjeux de la fille afghane ne sont pas les mêmes que ceux du band…" De même, le drame d’Eugène tranche avec l’esprit du groupe, "des rêveurs, qui sont super inspirés, en vie, qui bougent".

Enfin, pour être aussi juste que possible, il a parlé et demandé conseil à un soldat ayant passé six mois à Kaboul. "Ça lui a pris quatre ans à s’en remettre. Il y a beaucoup de son histoire dans le spectacle." Cela dit, son intention n’était pas de prendre position sur la guerre. "Qu’on soit pour ou contre, il reste qu’il y a quelqu’un de malade; c’est ce dont on voulait traiter", complète-t-il, en confiant qu’il aimerait que cette pièce rejoigne les jeunes et les familles de militaires, voire qu’elle incite ceux qui vivent ce drame encore tabou à sortir de leur isolement.