Le Fil sous la neige : Les ailes du désir
Scène

Le Fil sous la neige : Les ailes du désir

Avec sept fildeféristes et quatre musiciens, Le Fil sous la neige transcende la virtuosité et offre un bel exemple du fort potentiel artistique des disciplines circassiennes.

"Mon corps était là, mais il avait disparu." La voix du metteur en scène Antoine Rigot résonne dans l’espace tandis que son corps abîmé traverse la piste encore déserte en quête d’un équilibre devenu très précaire. Elle raconte cet accident stupide qui a cloué le funambule au sol il y a de cela 10 ans. Elle se fait prélude au ballet aérien qui va se dérouler, une heure trente durant, sur la toile tendue de sept câbles d’acier. Car c’est de son histoire que le Français s’est inspiré pour créer cette oeuvre d’une poésie simple qui ouvre grand le coeur des sept artistes en scène et nous permet de pénétrer pleinement leur univers sans jamais toutefois nous laisser percer leur mystère.

Ce qui frappe dans Le Fil sous la neige, c’est la profonde humanité des fildeféristes aux personnalités aussi affirmées que contrastées. Même si l’on sent parfois que des rôles leur sont assignés – un cascadeur burlesque qui déboule dans l’univers du cirque comme Rigot l’a fait à l’âge de 17 ans, une éblouissante sauvageonne qui traduit à la fois le goût du risque et la puissance de l’instinct, une marraine bienveillante qui veille sur la jeunesse et la guide en douceur… -, l’accent est mis sur les individualités et sur les liens qui les unissent.

Le travail sur les regards et les sourires échangés est remarquable, tout comme l’art de gérer les chutes imprévues et la présence immobile des artistes très judicieusement disséminés dans l’espace quand ils ne sont pas en action. L’émotion est prégnante. Et si leurs prouesses techniques sont nombreuses et, plus d’une fois, époustouflantes – on court, on danse, on virevolte, on y va de saltos arrière, de grands jetés et de toutes sortes d’acrobaties -, ils restent tellement humbles dans leur virtuosité que l’exploit semble tout naturel.

Hormis une mise en route un peu poussive et un épilogue touchant mais maladroit, la pièce des Colporteurs est plutôt bien rythmée entre séquences abstraites et figuratives. Très largement portée par la musique toujours très efficace du Wildmimi Antigroove Syndicate, elle donne une preuve supplémentaire de l’intérêt pour le cirque de concentrer un spectacle autour d’une discipline unique. Cela permet de bien creuser un thème et de mieux se détourner du divertissement pour nous offrir de l’art.