Colette Garrigan : De l’autre côté du miroir
Le Théâtre La Chapelle, en collaboration avec Casteliers, présente Crowning Glory, la plus récente pièce de Colette Garrigan. Une invitation à accompagner les ombres et les objets de l’autre côté du miroir.
Même si elle vit entre la France et l’île de La Réunion depuis 20 ans, Colette Garrigan, cofondatrice de la compagnie Akselere, n’a jamais perdu son charmant accent anglais. Quand elle a quitté son Liverpool natal pour aller étudier la marionnette à Charleville-Mézières, elle se passionnait pour le théâtre d’ombres et ne se doutait pas qu’elle en viendrait à jouer les actrices à ce point. Ses spectacles sont aujourd’hui fortement déterminés par sa présence sur scène; c’est elle qui raconte et qui incarne le personnage central en interagissant avec des objets et des ombres.
"C’est grâce à mon metteur en scène, Sylvain Diamand, dit-elle, que je vais maintenant aussi loin dans le jeu d’acteur. Il m’a encouragée à oser entrer dans des sujets et des niveaux d’émotion que je n’aurais pas imaginés, mais avec une distance narrative tout de même, pour raconter très théâtralement. Je m’éloigne donc beaucoup du castelet dans ce spectacle, mais je fais un travail très important sur les objets, les ombres et les éléments de décor, avec lesquels j’entre en relation comme avec des marionnettes."
La formule, déjà mise à l’épreuve dans la pièce Sleeping Beauty (une variation sur le thème de la Belle au bois dormant vue à Montréal en 2008), est encore une fois au service d’une fable qui a toutes les apparences d’un conte de fées, en fait d’un morceau tiré d’Alice au pays des merveilles, ou plutôt du roman suivant de Lewis Carroll, De l’autre côté du miroir. "C’est une inspiration lointaine, explique Garrigan. Je m’intéresse à l’idée du miroir, qui me permet une réflexion sur les images que l’on se fabrique à propos de nous-mêmes et sur la manière dont les autres projettent sur nous toutes sortes d’images. Je crois qu’il est nécessaire de renverser le miroir pour se percevoir autrement et grandir, comme Alice qui devient une reine à la fin de son périple. Je me suis imaginé une sorte de rite initiatique, une transformation qui s’opère en plusieurs étapes, dans un salon de coiffure. D’abord, s’asseoir sur la chaise, recevoir le shampoing, puis les premiers coups de ciseaux, puis passer de l’autre côté du miroir."
Ainsi se produit une transformation pour la "cliente imaginaire", mais surtout pour la coiffeuse qui, en plongeant de plus en plus dans le récit, retrouve la reine qui se cachait à l’intérieur d’elle-même. Derrière le miroir, un autre monde est possible. Comme chez Lewis Carroll, l’univers ludique imaginé par Garrigan évoque une autre réalité, l’idée qu’il faut oser transformer le monde dans lequel on vit.
"Ma mission n’est pas de changer le monde, mais ça se fait malgré moi. Le théâtre de marionnettes et d’ombres évoque tout le temps la transformation et propose un appel au changement. Mais je n’essaie pas de projeter mon histoire de salon de coiffure sur des thématiques sociales précises. Ce que j’essaie de dire, peut-être, c’est qu’il faut cesser de mettre les problèmes du monde sur le dos des autres et qu’il faut poser des gestes personnels. Si on avait tous le courage de se regarder et de s’accepter, peut-être qu’un autre monde serait possible."