Les Zapartistes : Obstruction à l’injustice
Les Zapartistes nous feront revivre Le Procès des cinq, intenté aux Chartrand, Vallières, Gagnon, Lemieux et Larue-Langlois après la crise d’Octobre. Défense à l’attaque.
Afin de souligner le 40e anniversaire de la crise d’Octobre, Lux éditeur vient de rééditer Le Procès des cinq, composé d’extraits du procès pour sédition des Michel Chartrand, Pierre Vallières, Charles Gagnon, Robert Lemieux et Jacques Larue-Langlois. Les Zapartistes, bien connus pour leurs cabarets politiques, avaient été invités à en faire la lecture à l’occasion du lancement. "Il y avait une telle demande qu’on a décidé de monter un vrai spectacle, raconte Nadine Vincent. On a accepté, pas tant pour rendre hommage aux héros disparus – quoique, pourquoi pas? -, mais surtout parce que ce texte est très riche d’actualité."
Il y a, par exemple, des rapprochements à faire entre le procès et la commission Bastarache quant à la proximité du politique et du judiciaire. "Les prévenus accusent le juge d’être "préjugé", partial et fanatique parce qu’il a été nommé par le gouvernement libéral", explique François Patenaude, avant de remarquer que leur irrévérence envers le magistrat à qui ils demandent de se récuser n’a d’égal que leur respect de la justice qu’ils cherchent à défendre. "Certains éléments sont encore d’actualité, mais il y a aussi des différences frappantes, observe Nadine Vincent. Entre autres, la liberté de parole; ils ne sont pas politically correct." "La politesse qui règne à la commission Bastarache entraîne les résultats qu’on voit. Tandis que leur côté rebelle a donné quelque chose. Ce procès a eu beaucoup de répercussions par la suite", poursuit François Parenteau.
Ainsi, bien que, pour la première fois de leur histoire, Les Zapartistes donnent un spectacle qu’ils n’ont pas écrit eux-mêmes (ils n’ont d’ailleurs rien ajouté au texte, où tout demeure authentique, le travail ayant plutôt consisté à l’épurer de ses redondances et de ses références datées), on pourra y retrouver quelque chose de leur verve et de leur mordant habituels. "Il y a des moments drôles, où le public va s’esclaffer. Mais ce n’est pas une ligne un punch, précise François Patenaude. Il s’agit de haute voltige intellectuelle. Leur façon de se défendre, d’apostropher le juge, de pointer les dérives du système judiciaire et politique, c’est vraiment savoureux!"
De même, on pourra reconnaître leur griffe sur le plan de la forme, avec une mise en scène toujours aussi minimaliste (trois lutrins, quelques accessoires), qu’ils décrivent comme "un feu d’artifice de sobriété". Par contre, ils mettront de côté leur jeu caricatural. "Il faut être juste pour que les gens comprennent, non seulement les arguments, mais également les émotions qui allaient avec", explique François Parenteau. Or, le fait que l’ensemble demeure convivial devrait leur simplifier la tâche. "Les cinq militants s’adressent beaucoup au public et s’arrangent pour être clairs, note Nadine Vincent. Ils défendent la justice et attaquent la politique, mais il ne s’agit pas tant que ça du FLQ ou de la crise d’Octobre. Alors, c’est très facile à comprendre même pour ceux qui ne connaissent pas bien cette période."
N’empêche, à l’origine de toute l’affaire, les arrestations de la nuit du 15 au 16 octobre 1970 ne sont pas sans avoir, elles aussi, des échos très actuels. "Lors du G20 à Toronto, une loi a été passée en pleine nuit de façon complètement antidémocratique pour donner pleine latitude aux policiers d’arrêter du monde jusque dans des dortoirs, rappelle Christian Vanasse. Les accusés tentent de montrer que le gouvernement fédéral a pris des moyens beaucoup trop radicaux en proclamant la Loi des mesures de guerre. Finalement, ils rétablissent l’État de droit dans leur procès." De sorte que le spectacle montre tant la fragilité de la démocratie que la nécessité de ne jamais baisser la garde face à ce qui la menace.