Michèle Nguyen – Les jours sont contés en Estrie : Embrasser le tigre
Accompagnée d’un "corps étranger", la conteuse Michèle Nguyen vient présenter Vy dans le cadre du festival Les jours sont contés en Estrie.
Elle est née d’un père vietnamien et d’une mère belge, mais la famille de Michèle Nguyen est celle du conte. De spectacle en spectacle, elle a su devenir l’une des membres émérites du clan de l’oralité.
Pour la frêle dame, tout débuta par l’univers de possibles qui s’est ouvert à elle au cours de sa formation de comédienne à l’école de théâtre Lassaad de Bruxelles. La pédagogie de l’endroit misait beaucoup sur la création, ainsi que sur le mouvement. "Le miracle, c’est que pendant deux ans, on ne parle presque pas", s’exclame la conteuse reconnue pour sa gestuelle. "Après avoir abordé tous les styles de théâtre – la commedia dell’arte, le clown, la tragédie, etc. -, j’ai choisi le conte. Je m’y sentais vraiment très bien." La parole fut son refuge.
Malgré cette affiliation naturelle, certains détours furent nécessaires avant qu’elle puisse enfin trouver son chemin. "J’aimais aussi le style clownesque. Pour mon premier solo, j’ai donc voulu faire du théâtre comique. Ce fut une catastrophe, car ça n’a fait rire personne. Heureusement, le directeur du théâtre était très ouvert. Il m’a dit que je n’étais pas une comique, mais une conteuse – il fut très élogieux – parmi les grands conteurs. Je ne sais pas comment il a pu voir ça. Ça demeure un mystère encore aujourd’hui. S’il ne m’avait pas dit ça, je serais peut-être encore en train d’essayer de faire rire les gens même si ce n’était pas ma voie."
Dorénavant, l’épure est sa quête. "Ce que je cherche à capter, ce sont les émotions d’un coeur qui bat. Le thème, c’est ce en quoi on est vivants. Je ne suis pas quelqu’un qui va conter de grandes épopées. Moi, je suis dans l’infime, dans les détails. Ce que je cherche, c’est le divin."
Corps étranger
Dans le conte, Michèle Nguyen a su trouver la plénitude nécessaire à l’épanouissement de ses ambitions artistiques. "Ça m’a permis d’aller à l’essentiel. Au théâtre, j’ai du mal avec tout ce qui est costume. Le conteur, il n’a besoin de rien. Je trouve ça extraordinaire. On a tout en nous et il suffit de le sentir pour l’être."
Or, dans Vy, son nouveau spectacle qui sera présenté pour une première fois à Magog et à Sherbrooke dans le cadre du festival Les jours sont contés en Estrie, Nguyen utilise une marionnette. Après avoir été séduite par l’idée d’introduire un pantin dans son spectacle, elle a vu le doute s’installer en elle. "J’étais angoissée car je travaillais avec un marionnettiste et il m’arrivait avec des objets. Je voyais encore la marionnette comme un corps étranger. Je suis habituée à être seule. Après 14 ans de solo, avoir un "partenaire" de scène, c’est dur. Lorsque mon metteur en scène m’a dit qu’il s’agissait du prolongement de mon mouvement, j’ai compris."
Ainsi, après la passion des débuts et la crise subséquente, une nouvelle complicité unit désormais la conteuse et son pantin. "Il est l’enfance, mon silence. Il peut se faire douceur ou violence."
Le tigre et l’antilope
Sur l’affiche du spectacle Vy, une jeune fille enlace un tigre qui montre les dents. "Elle embrasse quelque chose de terrifiant, confirme Nguyen. C’est le rapport que j’ai avec mon enfance. J’ai fait la paix avec ce qui me faisait peur."
Ainsi, tout comme les derniers spectacles de Michèle Nguyen, Vy est un conte en partie autobiographique. "C’est prendre sa vie et jouer avec elle. Je pars de ma propre enfance tout en m’autorisant la plus grande liberté possible quant à ce qui s’est passé. Il y a un rêve qui a soutenu toute ma vie. J’ai eu besoin de creuser, et chaque fois, je vais plus loin, car au plus profond, il y a des surprises." Parmi celles-ci, il y a l’oppression subite de la part de sa grand-mère raciste, ainsi que son rêve refoulé de devenir danseuse.
"En partant de l’infiniment personnel, on peut arriver à l’universel, avance-t-elle. Quand je choisis un conte, je ne peux pas le raconter s’il n’évoque rien pour moi. J’ai du mal à raconter des histoires d’antilopes parce que je ne vis pas avec des antilopes, mais si l’antilope a le sentiment d’être différente, d’être à part ou maladroite, je peux être touchée."
Et le tigre peut lui laisser la vie sauve.
Spectacles collectifs
Le 13 octobre
À la salle Littorale à 17h et à 20h
Au restaurant Los Dorados à 21h
Vy
Le 14 octobre à 20h
Au centre communautaire de Magog
Le 15 octobre à 19h
Au Centre culturel Pierre-Gobeil
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Les récits autobiographiques ou sur l’enfance, le divin
Les jours sont contés en Estrie
Avec du sang neuf au sein de leur équipage, les Productions Littorale peuvent être fières de cette 18e édition des Jours sont contés en Estrie, qui s’annonce d’ores et déjà mémorable. Après quelques années de vaches maigres, le festival est de retour en force avec une programmation faste et tentaculaire – de nombreux lieux des villes et villages de la région seront investis par des conteurs d’ici et d’ailleurs, du 11 au 17 octobre. Effectuons le tour du propriétaire…
Tout comme Michèle Nguyen, le légendaire Jihad Darwiche nous convie à plusieurs rendez-vous. Le 12 octobre à 19h, il propose ses Contes coquins au bar Loubards, et le 15 octobre dès 22h, le marathon des Contes des 1001 nuits débutera à Mouvance (pour une version diurne, allez au Salon du livre de l’Estrie, le 17 octobre à 14h). Finalement, il partage le haut de l’affiche du conte Histoire du temps de la guerre avec un autre géant, Guth Desprez, le 16 octobre à 14h30 dans la mine de Capelton.
Le vrai prénom de Guth, c’est Jean-Claude. Le conteur est donc admissible au spectacle Contes de campagne des 3 Jean-Claude (Botton, Bray et Desprez), le 16 octobre à 20h30 au P’tit Bonheur de Saint-Camille.
Le Parc historique de la poudrière de Windsor accueille Bazar d’histoires en tous genres de Serge Valentin (en formule souper-spectacle le 14 octobre à 19h), alors que le Centre culturel Yvonne L. Bombardier présente Joujou de Joujou Turenne (le 16 octobre à 20h).
Que vous portiez un chandail de loup ou non, Agnès Chavanon vous offre deux contes sur l’animal: Loup-Loup (le 14 octobre à 20h à la salle Littorale) et Loup y es-tu? (le 16 octobre à 10h à la bibliothèque Éva-Senécal).
Pour voir des conteurs de la nouvelle vague, les nombreux 5 à 7 du festival sont de mise, mais Voir vous suggère de rapporter vos bouteilles vides le 16 octobre à minuit au Dépanneur Marché Alexandre pour les Contes du dépanneur de Marc-André Caron.
Et un incontournable: le grand concours de menterie, le 17 octobre à 15h au bar Loubards, car un méchant mensonge peut parfois être un conte merveilleux.
Pour tous les détails de la programmation: www.productionslittorale.com