Vincent Magnat : Sacré Charlemagne
Après Monsieur Malaussène au théâtre, le comédien Vincent Magnat renoue avec Daniel Pennac dans Kamo, l’idée du siècle, un spectacle pour les enfants à partir de 10 ans.
C’était en 2006, dans la salle intime du Théâtre Prospero ou en tournée à travers le Québec. Bon nombre de spectateurs découvraient alors le comédien Vincent Magnat dans Monsieur Malaussène au théâtre, un solo bercé de la musique organique de Charmaine Leblanc, cachée derrière un rideau semi-transparent avec ses instruments en matériaux recyclés. La formule du Théâtre Galiléo était toute simple, mais faisait honneur à la littérature, rendant limpide et incarnée l’écriture amusée et ludique de Daniel Pennac.
Le duo Magnat-Leblanc est de retour. S’adjoignant les services de la metteure en scène Michoue Sylvain, ils ont cette fois jeté leur dévolu sur un roman pour jeunes lecteurs, Kamo, l’idée du siècle, qui, selon Magnat, "appelle très fort le théâtre à cause de sa structure dramatique irréprochable". Mais qu’il s’adresse aux petits ou aux grands, Pennac est toujours le même. "L’inventivité et le plaisir de la langue sont les mêmes, explique le comédien. Il s’amuse à jouer avec les mots, à inventer des choses, à transformer les images et à flirter avec les expressions et les métaphores. Mais ce sont ses qualités de conteur qui nous poussent encore vers lui, sa façon de nous emmener dans une histoire qui peut sembler toute simple mais emprunte finalement des sentiers inusités. Pennac est un grand constructeur d’histoires, particulièrement dans Kamo, où deux intrigues s’emmêlent et se retrouvent parfaitement imbriquées à la fin."
Première intrigue: Kamo accueille le chagrin d’amour de Mado-Magie, une amie de ses parents qui le fait atterrir tout droit dans le monde des adultes avec ses histoires de coeur. Deuxième intrigue: Kamo assiste aux métamorphoses de son instituteur, Monsieur Margerelle, qui s’est mis dans la tête de préparer ses élèves à l’école secondaire en jouant pour eux les différentes personnalités de leurs futurs profs. En filigrane: les difficultés de la transition d’une école à l’autre, mais surtout le passage de l’enfance à l’adolescence et à l’âge adulte.
Les détracteurs de Pennac, ils sont nombreux, y verraient sans doute une fable moralisatrice et pédagogique qui a le désavantage de ne pas s’embarrasser d’un point de vue critique sur le système d’éducation. Mais Magnat n’y voit que du beau. "On a parfois l’impression qu’il met des lunettes roses pour regarder ça et que tout est beau et léger, mais je pense que ce n’est qu’apparence. J’aime aussi d’autres écritures plus rugueuses, plus difficiles, mais le regard sucré et bonbon que pose Pennac sur la réalité est agréable et nécessaire. Est-il nostalgique de l’enfance? Je crois qu’il est surtout intéressé à proposer un regard positif sur l’enfance, sur le milieu de l’enseignement. On sait que ce milieu-là est traversé de grandes difficultés, mais Pennac nous force à observer ce qu’il y a là de beau et d’encourageant, comme le plaisir qu’ont ces enfants à aller apprendre et à vivre ensemble."
Le comédien n’est pas du genre à tirer grossièrement le trait pour passer d’un personnage à l’autre, mais cette fois il a dû faire un travail plus physique que dans Malaussène, où les changements de personnages n’étaient qu’évoqués. "Je ne tenais pas absolument à faire un autre solo après Malaussène, mais il se trouve que la façon dont ce roman est écrit, avec un narrateur qui évoque les différents personnages et les différentes situations, s’y prêtait bien. Il y a une espèce de schizophrénie du personnage, une démultiplication qui évoque la folie du professeur mais aussi celle du narrateur. C’est par une caractérisation physique que l’on passe d’un personnage à l’autre: changement de posture, de pose de voix, d’énergie – parfois c’est subtil, mais c’est parfois à plus gros traits, car les personnages de Pennac sont souvent hors norme. Tout ça est très ludique, je crois."