Il Campiello : Faire la cour
Scène

Il Campiello : Faire la cour

Serge Denoncourt revisite Il Campiello, de Goldoni, qu’il avait d’abord mis en scène en 1988. La version 2010 fait éclater le comique de la pièce autant qu’elle en souligne la profondeur.

Il faut pardonner à l’auteur de ces lignes de ne pas être en mesure de comparer le travail actuel de Serge Denoncourt avec sa mise en scène de 1988, alors que l’homme de théâtre que nous connaissons aujourd’hui n’était encore qu’un jeune metteur en scène et que le jeune critique, lui, n’était encore qu’un enfant. Mais il semble que le rapprochement que fait aujourd’hui Denoncourt entre Goldoni et le burlesque québécois n’y était pas aussi affirmé. La production actuelle nous fournit donc un magnifique exemple de ce que la lente fréquentation d’une oeuvre peut créer de meilleur. Les emprunts esthétiques à la tradition comique québécoise font de la version actuelle d’Il Campiello une pièce hilarante, mais également bien plus profonde qu’elle n’en a l’air.

On ne pourra plus désormais le nier: cette comédie de Goldoni agite les mêmes ingrédients qu’une partie des sketchs burlesques de Manda Parent ou d’Olivier Guimond. L’action est foisonnante mais insignifiante, et la demande en mariage, élément récurrent du burlesque, est au centre de l’intrigue. Mais surtout, elle exprime l’âme populaire avec la même force. Comme Fridolin et les autres, les personnages de Goldoni sont des antihéros sympathiques, plongés dans une société sclérosée, qui n’ont d’autres refuges que l’ivresse et le jeu. Ils nous obligent à faire face à nos laideurs, à nos échecs, finalement à la triste image d’une société que l’on refuse trop souvent de regarder sous toutes ses facettes.

De la commedia dell’arte, Denoncourt garde les maquillages expressifs (héritage du masque), ainsi que les costumes colorés et la forte caractérisation des personnages. Mais tout le reste, le rythme, les portes qui claquent, la vulgarité de la langue et la légèreté avec laquelle sont traitées les intrigues, vient du burlesque québécois – jusqu’à faire du personnage d’Orsola une copie à peine exagérée de La Poune (Adèle Reinhardt se surpasse dans ce rôle, comme d’ailleurs toute cette distribution follement énergique). Cela dit, Denoncourt évite tous les pièges de ces deux formes, car sa volonté d’unir deux traditions est dénuée de complaisance. Un réel travail d’esthétique théâtrale fondé sur une direction d’acteurs précise, qui pourrait prendre toute son ampleur si le metteur en scène poursuivait dans cette voie.

Jusqu’au 30 octobre
À la Cinquième Salle de la PdA
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