James Thierrée : Seul au monde
Scène

James Thierrée : Seul au monde

Créé et interprété par le Suisse James Thierrée, Raoul s’annonce comme une oeuvre à marquer d’une pierre blanche dans la programmation de la Tohu. Mariant habilement plusieurs disciplines, celle-ci débarque en Amérique du Nord après avoir séduit plusieurs publics européens.

Le jour où James Thierrée est né, les fées de la créativité, de l’inventivité et de l’expressivité étaient penchées sur son berceau. Petit-fils de Charlie Chaplin, il grandit dans une famille d’artistes qui le plonge dans l’aventure du cirque dès l’âge de 4 ans. "Je suis le résultat d’une éducation qui m’a rempli de multiples influences, mais je ne cultive pas la conscience de mes racines. C’est un sujet qui ne m’intéresse pas", tranche-t-il en réponse à une question sur sa gestion d’un si exceptionnel héritage culturel.

Et qu’importe, au fond, son ascendance. Le fait est que cet artiste multidisciplinaire a du talent. Ses incursions au cinéma lui ont valu le César du meilleur espoir masculin et à peine s’est-il lancé dans la mise en scène que le voilà lauréat de quatre Molières. "J’ai commencé la mise en scène, car je savais faire pas mal de choses, mais je n’étais spécialiste de rien et je ne trouvais pas de créateur qui pouvait m’utiliser à l’endroit où j’étais, explique-t-il. J’avais beaucoup de bagage et l’envie de ne pas faire de choix. Il y avait un langage spécifique qui voulait s’exprimer. Alors j’ai créé la Compagnie du Hanneton."

Ce langage, il est fait de théâtre physique, d’acrobatie, de danse, de musique et d’un bestiaire abracadabrant que sa mère, Victoria Chaplin, construit à sa demande comme elle l’a toujours fait dans ses propres spectacles. Ainsi, Raoul, sorte de Robinson errant sur l’île de sa prison intérieure, fait la rencontre d’une méduse géante, du fantôme d’un pachyderme, du fossile d’un oiseau, d’un scarabée métallique et d’autres animaux discrètement manipulés par Mehdi Duman.

"La narration m’intéresse, je tourne autour, je la contourne, je l’observe et je suis très prudent parce que je crois que ce que je fais est très dense visuellement et physiquement, et que ça peut être diminuant de rajouter de la narration sur quelque chose qui trimballe autant de mystère et d’évocation, indique l’homme de 36 ans. Je trouve l’évocation très noble parce que le spectateur est provoqué dans son inconscient et qu’il peut se raconter une histoire."

Plus intéressé par l’incarnation d’archétypes et de pulsions humaines primaires que par les anecdotes, Thierrée campe un personnage enfermé qui traverse toutes sortes d’épreuves et doit se battre contre lui-même avant de parvenir à une libération. Une scénographie foisonnant d’accessoires et de systèmes ingénieux contribue à créer les images fortes de ce voyage initiatique qui transforme un homme ordinaire en figure emblématique.

"Une des transitions importantes dans mon parcours a été un spectacle où je m’envolais tout simplement tiré par un contrepoids, avec le câble à vue, et j’ai constaté que le public était plus ému par ce vol dynamique et fougueux, par le sentiment de voler, que par ma demi-vrille sur le trapèze, raconte Thierrée. Là, j’ai compris que je voulais faire du théâtre et développer cette magie-là plutôt que l’exploit technique."

Derrière cette magie, à laquelle les critiques européens semblent avoir tous succombé, il y a une année de maturation en solo et trois mois de travail intense en étroite collaboration avec l’équipe de création. Car tout, sur scène, est fait maison. C’est là l’un des secrets qui font l’unicité de ce spectacle.

Du 20 au 30 octobre
À la Tohu
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